Sur le papier, c’est la solution idéale pour permettre à la France de reprendre le leadership en Europe en matière d’industrie solaire. Deux immenses usines de production de panneaux photovoltaïques : l’une de 50 hectares à Hambach, en Moselle, près de Sarreguemines ; l’autre de 45 hectares à Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, près de Marseille. Elles visent à mettre sur le marché 20 millions de panneaux par an d’ici à 2027, ce qui représente une puissance de 10 gigawatts, proposant enfin une alternative crédible aux fabricants chinois. Les deux projets ont été dévoilés en fanfare au printemps 2023 par Emmanuel Macron, comme symboles de la réindustrialisation du pays (lire l’épisode 1, « Un coup de solaire, un coup d’amour, un coup d’je t’aime »). Mais, plus de neuf mois après ces annonces présidentielles, le doute grandit sur la possibilité de voir un jour ces « gigafactories » sortir de terre. Le calendrier annoncé prend du retard et il n’y a toujours pas le début d’un signe de financement alors que les deux installations doivent coûter très cher – 800 millions d’euros pour le projet Holosolis à Hambach, 1,6 milliard pour Carbon à Fos-sur-Mer. Pire, l’Europe croule actuellement sous les importations chinoises à bas coût, ce qui risque de dissuader les investisseurs de s’engager.
Un échec serait le – mauvais – signe que la France ne prend pas au sérieux ses ambitions climatiques. Ainsi, dans tous les scénarios sur le futur mix énergétique de la France de 2050 établis par RTE (Réseau de transport d’électricité), il faut multiplier les capacités solaires actuelles par au moins sept afin de diminuer notre dépendance aux énergies fossiles. Les (alors minoritaires) scientifiques dont on vous a raconté l’histoire dans les épisodes précédents (Augustin Mouchot, Félix Trombe…) ont gagné post-mortem la bataille des idées : l’énergie solaire n’est plus considérée comme la passion de quelques hurluberlus. Elle est devenue une énergie compétitive, facilement et rapidement déployable (on peut installer des panneaux sur les toits ou sur les champs). Mais il reste maintenant à construire dans l’Hexagone une filière industrielle solide. Et à ne pas recommencer les erreurs de la décennie 2010, qui ont mené une entreprise comme Photowatt dans le mur (lire l’épisode 7, « Photowatt : le crime solaire »).
C’est forts de cette conviction que les projets Holosolis et Carbon ont été montés.