Si vous visitez le plateau de la Cerdagne, dans les Pyrénées-Orientales, vous tomberez forcément dessus. En sortant du village d’Odeillo en direction de Targasonne, en contrebas de la route sur votre gauche, se trouve un étrange bâtiment carré d’une cinquantaine de mètres de hauteur dont la façade est recouverte de verre. Juste devant, une soixantaine de panneaux lui font face, comme s’ils lui disaient bonjour. Si vous prenez une route adjacente, vous découvrirez l’autre côté de ces panneaux : ce sont des miroirs réflecteurs, dits « héliostats ». Vous voici au four solaire d’Odeillo, le plus grand édifice de ce genre au monde. Difficile cependant de comprendre son utilité, ainsi que son histoire : on peut s’approcher mais pas entrer dans le bâtiment, occupé par le laboratoire Procédés, matériaux et énergie solaire (Promes), dépendant du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il y a quelques années, il y avait bien des visites organisées, mais elles ont cessé en 2017. L’espace à thème « Héliodyssée » est fermé « en raison d’un changement de gestionnaire », est-il indiqué depuis six ans sur le site internet. Sur Tripadvisor ou Google Maps, les touristes s’en plaignent. « Endroit sympa mais à part les panneaux explicatifs, pas d’autres choses à voir. La salle d’expo qui devait ouvrir en été 2022 d’après le panneau est toujours fermée », assure une « local guide ». « C’est triste et vétuste. Il y a d’autres choses à faire dans le coin… », commente, dépité, un internaute.
Cette fermeture prolongée d’« Héliodyssée » est symbolique non seulement de l’intérêt épisodique accordé aujourd’hui à l’énergie solaire en France mais aussi des fourvoiements passés de la puissance publique. On est en effet ici face un « éléphant blanc » dont il n’y a pas forcément de quoi se vanter. Comme le Concorde, le four solaire est un souvenir d’une France gaullienne voulant montrer au monde que le pays était encore une grande puissance. Mis en service en 1969, cet immense appareil est certes une réussite technique mais, comme l’avion supersonique au nez allongé, c’est aussi et surtout un échec économique patent. Destiné à remplacer les fours électriques classiques pour fondre des minerais de terres rares et ainsi approvisionner des clients industriels, le four d’Odeillo s’est finalement transformé en un outil au service de la recherche, sans application pratique.