C’est une hécatombe et elle ne concerne plus que la France. Alors que Photowatt va mal (lire l’épisode 7, « Photowatt : le crime solaire »), que les projets Carbon et Holosolis peinent à trouver des fonds (lire l’épisode 8, « Les gigafactories de Macron et l’ombre du décrochage solaire »), les rares usines de panneaux solaires encore en activité en Europe ferment les unes après les autres. Dans l’Hexagone, c’est Systovi, une PME de Loire-Atlantique, qui a annoncé jeudi dernier se donner un mois pour trouver un repreneur avant de cesser son activité. La même semaine, la plus grande unité de construction de modules solaires de l’Union européenne, située à Freiberg, en Allemagne, a arrêté sa production. Les raisons sont toujours les mêmes : la concurrence chinoise et le peu de soutien des pouvoirs publics. Que ce soit en France ou outre-Rhin, les gouvernements comptent sur un nouveau règlement européen en discussion à Bruxelles, le Net Zero Industry Act, mais celui-ci ne rentrera en activité que d’ici fin 2025. L’industrie européenne du panneau solaire, elle, n’a pas le temps d’attendre.
Avec Systovi, on se trouve face à un cas d’entreprise fragile mais qui, jusqu’à l’été dernier, pensait encore pouvoir se développer. Née en 2008 et passée en 2016 sous le contrôle de Cetih, le leader français de la porte d’entrée, la société, qui compte 87 salariés et est installée à Carquefou, dans la banlieue de Nantes, n’a jamais été très rentable. Depuis 2019, ses pertes oscillent entre 4 et 11 millions d’euros par an. Mais lors de l’exercice 2023 (qui se termine en août), son chiffre d’affaires avait bondi, passant de 12 à 23 millions d’euros. Avec ses panneaux esthétiques (ils sont tout noirs) et la vente de kits permettant à ses clients d’optimiser leur production, la société comptait profiter du climat favorable au développement de l’énergie solaire. Il y a tout juste un an, elle avait ainsi inauguré une nouvelle ligne de production et embauché une vingtaine de salariés afin de doubler sa capacité à 200 000 panneaux par an, soit l’équivalent de 80 mégawatts de puissance installée. À l’occasion, Paul Toulouse, son directeur général, affirmait alors dans un communiqué : « Cet investissement témoigne de notre conviction à maintenir et à développer, en France, nos compétences et notre savoir-faire industriel dans le secteur de l’énergie solaire à un moment où 95 % des panneaux distribués en Europe proviennent de Chine. »
Mais à l’été 2023, le marché s’est complètement retourné.