Trois ans avant son déménagement rue du Bastion, dans le nord de Paris, le vieux 36 quai des Orfèvres a été secoué par un scandale sur fond d’accusation de viols qui ressurgit aujourd’hui. À compter de ce lundi et jusqu’au 1er février (à consulter ci-dessous, une mise à jour avec la condamnation des deux policiers), deux gradés de la très masculine Brigade de recherches et d’intervention (BRI) – qui ne comporte aucune femme dans les groupes d’action – comparaissent devant la cour d’assises de Paris pour « viols en réunion » d’une touriste canadienne au sein même de leurs bureaux, au quatrième étage. À deux pas, entre les murs mitoyens du palais de justice sur l’île de la Cité, le capitaine Antoine Q., 40 ans, et le major Nicolas R., bientôt 50 ans, des as de l’assaut risqué et du tir de précision, vont se retrouver – libres et dénégateurs – face à Emily S., 39 ans, venue spécialement de Toronto les affronter. Ainsi qu’un troisième homme, Sébastien C., brigadier âgé de 41 ans, témoin assisté pendant l’enquête. Les trois sont suspendus de leurs fonctions, sanction administrative. Les Jours ont eu accès à de nombreux procès-verbaux qui permettent de reconstituer cette soirée.
J’avais beaucoup bu, je me voyais mal rentrer à l’hôtel dans cet état et je pensais qu’en allant dans un commissariat, je me sentirais plus en sécurité.
Tout commence dans « une bonne ambiance », dixit les protagonistes, ce 22 avril 2014 vers 21 heures, au pub Le Galway, quai des Grands-Augustins, en face du sanctuaire de la police judiciaire parisienne. Après une journée de « formation commando » éreintante, une bande de flics de la BRI en bordée trinquent au comptoir et « font connaissance » avec une jeune femme, Emily S. Pintes de bière et shots de whisky s’entrechoquent et s’enchaînent si vite que « trois verres » s’alignent parfois devant la Canadienne. Dans l’atmosphère chauffée et bruyante du pub, ces cadors de l’antigang entreprenants roulent des mécaniques, la touchent et la flattent : « Tu es une très belle femme. » Dans un français approximatif, Emily S. raconte que son père est policier à Toronto. Malgré ce mauvais mélange d’alcool avec ses antidépresseurs, elle se souviendra que Nicolas R. l’a « draguée et a voulu l’enivrer » mais pas de tous les autres hommes, comme Ludovic et Thierry, qui l’ont embrassée sous l’œil des barmaids du Galway et de la caméra de surveillance. Elle déclarera devant les juges que « tout le monde flirte », même elle, mais qu’elle n’a « pas l’intention de ramener quelqu’un chez elle ce soir-là ». Comme elle titube un peu, le capitaine Antoine Q.