En janvier, une anecdote circulait à Istanbul, déformée de récit en récit. Les Affaires religieuses (Diyanet), haute instance religieuse qui dépend de l’État, venaient de rendre, disait-on, un avis effarant justifiant le désir d’un père pour sa fille dès lors que celle-ci a plus de 9 ans. Personne ne retrouvait la source exacte, certains doutaient que cela soit possible. Mais ça l’était.
Sur le site internet du Diyanet, les citoyens peuvent poser des questions, par exemple pour savoir si telle ou telle pratique est autorisée par l’islam. C’est ainsi qu’en décembre, un père a demandé si le fait d’éprouver du désir pour [sa] fille
risquait d’invalider son mariage avec sa femme – c’est une obsession turque, la peur de « faire tomber le mariage ». Le site lui a répondu très sérieusement que selon certaines obédiences de l’islam, le fait qu’un père embrasse ou enlace sa fille avec concupiscence n’a aucune incidence sur la validité du mariage
. Mais que selon d’autres, cela rend la mère de la fille haram
. En clair, si le père désire sa fille, la mère devient impure.
Le site précisait par ailleurs : Pour qu’un contact puisse impliquer cela, il faut qu’il ait lieu peau contre peau, ou à travers un tissu suffisamment fin pour transmettre la chaleur de la peau. Si on touche à travers un tissu épais, ou si on éprouve du désir seulement en regardant, en imaginant à partir du corps, cela ne constitue pas un cas de haram, un cas qui invaliderait le mariage.
Il faut de toute façon, précisait encore la fatwa, que la fille ait plus de 9 ans
. Sic.
L’histoire commençant à faire scandale, à heurter de nombreux musulmans, les Affaires religieuses ont retiré question et réponse. Pas de chance, un site d’information vigilant avait fait une capture d’écran. Le Diyanet a prétendu qu’il s’agissait d’un piratage.
L’islam progresse, ces dernières années, dans l’espace public turc. Et cela effraie une partie de la population qui, tournée vers la rive européenne du pays, souhaite continuer de vivre à l’occidentale. On pointe les taxes sur l’alcool qui n’en finissent plus de grimper. Le vin désormais interdit sur les lignes intérieures de Turkish Airlines. Les terrasses fermées par certaines municipalités. Le recul de la mixité dans les piscines, où des villes imposent des horaires séparés pour les hommes et les femmes, comme sur quelques plages.
Un syndicat universitaire proche de l’AKP s’est déclaré contre la mixité à l’école, s’inquiète Gülistan Zeren, étudiante à l’université de Galatasaray.