Il entre dans le café l’air un peu hésitant, tend la main, dit « Bonjour monsieur ». Loup Bureau est intimidé, pas encore complètement habitué à la liberté. L’étudiant en journalisme a été expulsé dimanche dernier de Turquie, après 52 jours de détention. Depuis, il a dormi beaucoup, reste entouré de ses proches, de sa copine Maud. Et commence seulement à témoigner, ce jeudi après-midi pour Les Jours, dans un café parisien.
Cet été, il avait devant lui deux mois et un peu d’argent, alors le 18 juillet, il est parti de France pour l’Irak, d’où il comptait passer directement en Syrie, retrouver des combattants kurdes rencontrés quatre ans plus tôt à l’occasion d’un reportage diffusé par TV5 Monde. Il arrive à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, y reste quelques jours, le temps de solliciter une autorisation pour passer la frontière vers la Syrie. Normalement, c’est assez long, alors comme « Erbil est sinistre en juillet, il fait 45 degrés et tous les journalistes sont partis en vacances », il décide de rallier Izmir, sur la côte turque, puis Lesbos, en Grèce, rejoindre Tatyana Rassos, l’une de ses camarades d’études, et attendre chez elle des nouvelles de son autorisation.
Le 25 juillet, il prend un taxi collectif vers la Turquie, puis un second vers 15 heures, juste pour passer la frontière. « Je l’avais déjà fait et je pensais que ce serait simple : grave erreur de ma part, dit-il. La situation a beaucoup changé depuis 2013 et nous avons attendu sept ou huit heures à la frontière. » Vers minuit, ils passent enfin et arrivent côté turc. Où les choses se compliquent. Il ne le savait pas, le taxi fait de la contrebande de cigarettes. Les policiers turcs s’en rendent compte, le conducteur les convainc que Loup n’a rien à voir avec le trafic, mais du coup, le garçon se retrouve seul, dans la nuit, avec ses sacs, son matériel. Il entre dans le poste de police. « Ils ont pris mon passeport et tout de suite, ils ont été interloqués parce que j’ai beaucoup de visas : du Pakistan, d’Égypte, d’Inde, surtout du Moyen-Orient », raconte-t-il.
Quelle cible allez-vous attaquer ?
D’autres policiers entrent dans la pièce, « assez exiguë, avec des sortes de parloirs qui empêchent d’approcher des deux bureaux ». Aucun ne parle anglais. L’un d’eux lui demande, en utilisant Google Traduction sur son smartphone, d’ouvrir son compte Facebook. Le policier l’épluche, et tombe sur une photo de Loup Bureau avec une dizaine de combattants kurdes syriens du YPG. Le climat change alors.