Il aura tout essayé. Au début de son discours sur l’état de l’Union, ce mardi face au Congrès réuni, Joe Biden, fidèle à cinquante années de vie politique placées sous le signe du consensus, a appelé l’opposition républicaine à l’unité. Égrenant les réussites de ses deux premières années de mandat, comme l’Infrastructure Employment and Jobs Act ou l’Inflation Reduction Act, qu’il n’a pu faire passer qu’avec l’appui de quelques élus de l’autre bord, il a invité ses « amis républicains » à continuer le travail au profit de leurs compatriotes (lire l’épisode 9, « Joe Biden, un succès flou »), de façon transpartisane. Mais pour toute réponse, outre le visage impavide du nouveau speaker Kevin McCarthy dans son dos, Joe Biden n’a reçu que des lazzis et des sifflets de ses adversaires, la représentante de Géorgie, Marjorie Taylor Greene, le traitant même de menteur.
En chemin, Joe Biden a semblé se rendre compte que les républicains refusaient la main tendue et s’est alors éloigné du discours qu’il avait préparé. Et n’a cessé, jusqu’à la fin de son intervention, d’apostropher avec ironie les élus conservateurs sur leurs projets de remise en cause des prestations sociales (retraite, santé) et de la loi sur les infrastructures. De ce point de vue, la soirée a été une réussite pour Joe Biden, qui a démontré une belle vivacité d’esprit pour un Président régulièrement soupçonné de gâtisme. Et beaucoup de démocrates se sont dits rassurés de le voir capable de croiser ainsi le fer avec des républicains tout en improvisant. Mais le discours sur l’état de l’Union 2023 offre aussi un aperçu du mur de difficultés dressé devant lui jusqu’à la présidentielle de 2024.
Il confirme d’abord un positionnement idéologique républicain glissant toujours plus vers la droite. Dans la Chambre à majorité républicaine nouvellement élue, les radicaux du Freedom Caucus, qui avaient empêché l’élection du speaker Kevin McCarthy pendant quatre jours début janvier (lire l’épisode 8, « Au Capitole, l’assaut de l’intérieur »), semblent depuis toucher les dividendes de leur ralliement. Sous leur pression, le speaker s’est ainsi empressé de priver les représentants démocrates californiens Eric Swalwell et Adam Schiff de leurs postes à la commission du renseignement. Ils s’en étaient servis depuis 2017 comme perchoir contre Donald Trump pendant sa présidence et après l’insurrection du Capitole.