«Nous avons tous une véritable carte d’identité en bouche. On peut identifier quelqu’un, même s’il n’a jamais reçu aucun soin dentaire, sur la base d’un panoramique ou d’une radio intrabuccale de deux ou trois dents », nous dit posément Aimé Conigliaro, d’un air un rien mutin, quand il nous reçoit dans son bureau, lunettes rondes sur le nez et cravate aux tons violets impeccablement nouée autour du cou. « La courbure de la racine des dents, la forme d’un canal radiculaire, la forme des sinus : tout cela permet de nous différencier », insiste-t-il, montrant un poster au fond bleu duquel se détache des photos en noir et blanc de rangées de ratiches enclavées dans une mâchoire. Il faut dire qu’à 63 ans l’expert en odontologie médico-légale, qui a rejoint l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) en 1997, a vu passer sous son microscope quantités d’émaux différents.
De toutes ses interventions, il se souvient particulièrement de celle effectuée en 2003 au Grand-Bornand, en Haute-Savoie. Bref rappel des faits. Cette année-là, le 12 avril, Mario, 14 ans, arrive en taxi pour passer quelques jours de vacances dans le luxueux chalet habité par sa mère, Graziella Ortolano, son beau-père, Xavier Flactif, et leurs enfants : Sarah, 10 ans, Laetitia, 9 ans, et Grégory, 6 ans. La maison est vide, parfaitement rangée, le réfrigérateur plein. Un repas est prêt. Au bout de quelques heures, inquiet de ne toujours voir arriver personne, il prévient les voisins, qui avertissent la gendarmerie. Toutes les pistes sont alors envisagées : la fuite, l’accident, l’enlèvement ou le meurtre. Le 20 avril, huit scientifiques de l’IRCGN débarquent sur les lieux. Aimé Conigliaro est parmi eux. « Il y avait également avec moi des experts des traces de sang, de l’ADN et des empreintes digitales », se remémore-t-il. Bref, tout ce que le pôle forensique de la gendarmerie peut mettre à disposition lorsqu’une potentielle scène de crime doit être examinée.
Après quelques heures de recherches, un technicien en identification criminelle, un TIC, présente à Aimé Conigliaro de petits éléments blancs qu’il a trouvés dans les interstices qui séparent les lattes du plancher. « Il me demande si ce sont des morceaux de dents. Leur texture et leur forme me font penser que ça peut effectivement être de l’émail dentaire », explique l’expert.