L’air sérieux. Petites lunettes en métal. Moustache et bouc fins bien taillés. Cheveux lissés vers l’arrière. Le directeur d’école, instituteur et père de famille de 45 ans présentait bien. Le cliché parfait. Des photos de lui ont commencé à circuler en 2015 quand sa face sombre petit à petit s’est révélée. Son pseudonyme sur internet ? « PedoMaster ». Vrai nom : Romain Farina. « Une affaire hors norme », résume l’adjudant Régis Villette, 44 ans, en jean, baskets et gourmette, au milieu des chemises bleues de son bâtiment du Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN) de Pontoise. Oui, l’affaire Farina, le patron du Centre national d’analyse des images de pédopornographie (CNAIP) s’en souvient. Et son acolyte, l’adjudant Jérôme Duhamel, aussi.
Elle éclate le 20 mars 2015. Ce jour-là, les parents de deux élèves de CP de l’école du Mas de La Raz, à Villefontaine, dans le nord de l’Isère, se rendent à la gendarmerie. Les enfants ont raconté que monsieur Farina, leur instituteur, organise des ateliers du goût. Mais au fond de sa classe, derrière un paravent. Les enfants ont les yeux bandés. Farina profite des séances pour leur imposer des fellations. Et les filmer. Perquisitions dans l’école et au domicile du directeur. Des images à caractère pédopornographique sont découvertes dans l’ordinateur familial. Farina est suspendu. Puis placé en détention provisoire pour « viols aggravés et agressions sexuelles sur mineurs ». Son passé aussi ressurgit. L’histoire d’un fiasco.
En 2001, quand Romain Farina entame sa carrière d’instituteur à Vénissieux, dans la banlieue de Lyon, une première plainte est déposée par les parents d’une enfant de 4 ans. Elle l’accuse de lui avoir « touché les fesses ». L’affaire, signalée à l’Éducation nationale, est classée sans suite par la justice. En juin 2008, il est cette fois condamné à six mois de prison avec sursis et obligation de soins pendant deux ans pour recel d’images pédopornographiques. Farina fait partie des soixante personnes signalées par les autorités allemandes à la justice française pour avoir consulté et téléchargé des images pédopornographiques sur un site coréen hébergé en Allemagne. Mais l’Éducation nationale n’en est pas informée par la justice. Et Farina récidive.
Combien d’enfants cet homme, qui a souvent demandé des mutations dans le Rhône et en Isère, a-t-il agressés ou violés ? Était-il en contact avec d’autres pédocriminels ? Faisait-il partie d’un gros réseau ? Qu’a-t-il planqué dans les entrailles de son disque dur ? Tandis que l’enquête de terrain de la brigade de recherches de la gendarmerie de Bourgoin-Jallieu laboure l’existence de l’instituteur, sa vie numérique va être épluchée jusque dans les moindres pixels.