«Et quand il eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre… » La phrase mythique d’un film centenaire, Nosferatu, résonne pendant que le procureur de Nanterre (Hauts-de-Seine), Pascal Prache, et le président du tribunal tout juste arrivé à la rentrée 2022, Benjamin Deparis, tracent ce 12 septembre les perspectives d’activité du nouveau pôle dédié au « traitement des crimes sériels ou non élucidés ». La structure de cette justice spécialisée dans les « cold cases » n’est pas encore totalement opérationnelle qu’elle est déjà saisie de 37 affaires. Quelque 25 autres dossiers devraient les rejoindre en enquête d’ici la fin de l’année tandis qu’un examen préalable se poursuit sur plus d’une centaine d’autres. C’était prévisible, le mouvement ressemble à un flot continu. Selon les statistiques officielles, le taux d’élucidation des homicides est stable en France, aux alentours des deux tiers, ce qui situe le stock potentiel à des centaines, voire des milliers de dossiers. Même avec des critères de sélection très stricts, la porte va mécaniquement s’ouvrir sur un terrible cortège de spectres (lire l’épisode 1, « Le terminus des tueurs cachés »).
Le plus ancien des 37 premiers dossiers déjà pris en charge est celui de la famille Méchinaud, ont expliqué les magistrats, et il a cinquante ans. L’affaire concerne une famille de quatre personnes disparues dans la nuit du 24 au 25 décembre 1972 à Cognac (Charente). Jacques, 31 ans, Pierrette, 29 ans, et leurs deux fils, Éric et Bruno, âgés de 7 et 4 ans, ont pris la route peu après minuit, dans une Simca 1100, après avoir passé le réveillon chez des proches. Ils devaient rejoindre leur domicile situé à quelques kilomètres, à Boutiers-Saint-Trojan. Personne ne les a jamais revus, malgré une vaste enquête et des fouilles considérables menées notamment dans la Charente, jusqu’au début des années 2010. Une liaison extraconjugale de Pierrette Méchinaud a été mise au jour et la piste a été suivie, mais en vain. Une cellule d’enquête est restée formellement active à la gendarmerie jusqu’à ces dernières années et la procédure n’a jamais été close. En 2020, l’ancien amant de Pierrette a même été à nouveau interrogé, sa maison perquisitionnée et des fouilles menées chez lui, sans résultat. Sans témoignage et sans indice, le dossier passe pour être le mystère le plus épais de cette matière, pourtant très foisonnante, des disparitions.
Dans cette catégorie, le pôle a aussi officiellement pris en charge le cas de Marion Wagon, 10 ans, disparue le 14 novembre 1996 sur le trajet de quelques centaines de mètres qui séparait son école de son domicile à Agen (Lot-et-Garonne).