C’est leur fille, Léa, qui a posé la question l’autre jour, alors que la famille de Jean-Louis et Marion Diesel se rendait chez des amis, à 20 kilomètres de chez eux. Par la route, évidemment. « Vous y tenez vraiment à vos voitures ? » Ce n’était pas, dans le ton qu’elle a employé, une question d’ado qui veut provoquer. C’était une vraie question sincère, en droite ligne des interrogations que la jeune fille de 14 ans a régulièrement ces dernières années, encore plus depuis cet été 2022 vraiment inquiétant, avec ses températures insupportables en France, les feux de forêt partout, les inondations dingues au Pakistan. Et à vrai dire, Jean-Louis Diesel ne se l’était jamais posée, cette question. Est-ce qu’il tient à sa voiture ? Et à celles qu’il a eues avant elle ? Est-ce qu’il tiendra à la suivante si elle est électrique (lire l’épisode 1, « Accros à l’auto : debout sur les freins ! ») ? Non, il n’y tient pas plus que ça. C’est une machine avec quatre roues et pas grand-chose de plus pour lui, même s’il apprécie qu’elle soit confortable. Qu’elle roule bien, comme on dit. Par contre, s’il n’y tient pas particulièrement, il en a totalement besoin. Tous les jours. Sans elle, il n’irait pas au boulot. Sans les deux voitures de la maison, la famille Diesel ne se serait même jamais installée à la campagne il y a quinze ans.
Ce questionnement naissant, c’est celui que tout le monde va devoir se poser un jour de façon plus ou moins forcée. Et peut-être avec plus de violence qu’on ne l’imagine, au milieu d’une crise environnementale et énergétique que l’on ne mesure pas encore totalement. « La question centrale qui nous est posée aujourd’hui, avertit Xavier Desjardins, qui enseigne l’urbanisme et l’histoire des mobilités à la Sorbonne, c’est : est-ce que la transition se fait sans changer la façon dont nous vivons, ou avec une réduction des accessibilités ? Est-ce qu’on veut garantir un système qui permet à chacun de faire ce qu’il veut quand il veut, ou est-ce qu’on va, à terme, vers une décroissance autoritaire de la mobilité, via le prix notamment, pour s’en sortir collectivement ? » C’est dans ce cadre d’incertitudes, cet entre-deux des riches sociétés modernes, que le vernis craque de partout aujourd’hui autour de la voiture individuelle, qui fait de moins en moins rêver. En témoigne, symbole parmi d’autres, le morne Mondial de l’auto tenu en octobre à Paris, qui a accueilli 400 000 visiteurs contre 1 million pour l’édition 2018 d’avant-Covid.