On savait ses pouvoirs grands, mais on ne se doutait pas que Vincent Bolloré était capable d’accomplir un miracle tel que celui survenu à Paris Match : il a réussi à liguer ensemble journalistes et rédacteurs en chef du magazine, du jamais-vu au cours des 70 piges de l’hebdomadaire – «c’est historique», commente un journaliste. La cause de cette inédite fronde commune : la une de Paris Match qui, dans son édition à paraître ce jeudi, se donne entièrement au cardinal Robert Sarah, catholique hardcore tendance vade retro homosexuels, migrants et musulmans. Lequel cardinal a déjà eu les honneurs simultanés d’Europe 1 et CNews, cette dernière ayant pris un singulier tour bigot, à l’instar de C8, qui, entre deux hanounaneries, s’est mise à diffuser régulièrement la messe. La foi dont cette grenouille de bénitier de Vincent Bolloré éclabousse de plus en plus les médias qu’il contrôle vient-elle de mouiller Paris Match ? C’est ce dont s’alarme la Société des journalistes (SDJ) de l’hebdo, redoutant un « virage éditorial » en cours « dans ce contexte d’OPA de Vivendi sur Lagardère ».
Flash-back au vendredi 1er juillet dans les locaux de Paris Match. Comme chaque semaine, la directrice de la rédaction Caroline Mangez réunit les différents rédacteurs en chef du magazine. Le directeur général de la rédaction, Patrick Mahé, est absent, qui se remet d’une opération, tout en gardant à distance un œil sur le journal. Objet de la réu : décider de la prochaine une de Match. Enfin « décider », c’est vite dit : depuis quelques mois, la rédaction en chef propose différentes unes alternatives à la direction du groupe qui, lui, décide. Pratique nouvelle à ParisMatch : jusqu’à présent, le proprio Arnaud Lagardère était tenu informé des unes à paraître, pas appelé à choisir. Là, Caroline Mangez dégaine le cardinal Sarah avec lequel s’est entretenu Philippe Labro. Labro est un vieux complice de Bolloré – il tient d’ailleurs depuis six mois un bloc-notes dans Le JDD –, certes, il signe régulièrement dans Paris Match mais pas sur les sujets de religion, qui ont leur journaliste maison attitrée, Caroline Pigozzi, qui n’est d’ailleurs pas prévenue de cette une.
Ce que le nazisme, le fascisme et le communisme ont été au XXe siècle, les idéologies occidentales sur l’homosexualité et l’avortement, et le fanatisme islamique, le sont aujourd’hui.
Mais ce qui déclenche les hauts cris des rédacteurs en chef, c’est Robert Sarah. Sacré loulou que ce cardinal farouche adversaire d’une quelconque ouverture de l’Église et partisan d’un retour à la tradition la plus raide. Au palmarès de ses pensées les plus rétrogrades, on dénombre un