C’est émouvant : quand les deux journaux dont ils prennent les rênes sont nés, Jérôme Bellay et Patrick Mahé suçaient encore leur pouce. Le premier avait 6 ans à l’éclosion du Journal du dimanche en 1948 ; le deuxième tout juste 2 ans lorsqu’est paru le premier numéro de Paris Match en 1949. Et c’est ainsi qu’en 2021 Jérôme Bellay, « grand professionnel de l’info », dit le communiqué de Lagardère (comprendre : il a 79 ans), devient directeur général de la rédaction du JDD et que Patrick Mahé, « parfait connaisseur de l’ADN de Paris Match », dit la même source (comprendre : il a 74 ans), obtient le même poste dans l’hebdo. Les deux remplaçant Hervé Gattegno, éjecté la semaine dernière à la faveur de l’emprise que ne cesse d’exercer Vincent Bolloré sur les médias du groupe Lagardère (lire l’épisode 24, « Le poids de Bollo, le choc pour Gattegno »). Question, une seule question : maintenant qu’ils se trouvent à la tête de deux journaux d’influence dont Bolloré contrôle le destin puisque son offre publique d’achat (OPA) sur Lagardère est en cours, Bellay et Mahé vont-ils être ses aimables courroies de transmission ?
Réponse : on verra bien à l’usage mais ils ne seront ni l’un ni l’autre des empêcheurs de bolloréiser en rond. Dans les deux rédactions, qui siègent dans le même immeuble que la cousine Europe 1 devenue une succursale de CNews, tous parlent d’un « soulagement ». Au JDD, un journaliste se dit « soulagé parce qu’on échappe aux authentiques fachos, ça voulait dire beaucoup de départs dans le journal, ça voulait dire tirer une croix sur le journalisme vu l’ambiance dans le secteur ». La piste Tugdual Denis, du nom du directeur adjoint de la rédaction de Valeurs actuelles qu’Arnaud de Puyfontaine, numéro 2 de Vincent Bolloré chez Vivendi, rêve, selon nos informations, d’installer au JDD depuis des mois, n’a pas été suivie. Pour l’instant. Le même schéma a été reproduit dans les deux journaux : un patriarche, ça rassure, flanqué d’un auxiliaire de vie choisi en interne, ça ne peut pas faire de mal. Jérôme Bellay, qui a l’âge de ses artères, sera en effet secondé de Cyril Petit, jusqu’alors directeur adjoint de la rédaction, qui gravit un échelon pour devenir directeur de la rédaction tout court. Et chez Paris Match, Caroline Mangez suit exactement le même parcours avec Patrick Mahé en directeur général de la rédaction. Beaucoup s’interrogent également sur cet échelon de « directeur général de la rédaction ».