On savait Canal+ particulièrement imaginative en matière de motif de licenciement. Elle vient d’en fabriquer un nouveau : plusieurs journalistes du service des sports de Canal+ sont virés au prétexte qu’on les soupçonne d’être des sources des Jours. Parmi eux, deux membres de la Société des journalistes (SDJ) de Canal+, Nicolas Picquet et Solange Tricaud, également élue du personnel. Parmi eux, Guillaume Priou, coréalisateur du documentaire de Marie Portolano, Je ne suis pas une salope, je suis journaliste !, dont Les Jours ont révélé la censure par la direction de Canal+, dans le but de protéger son chroniqueur vedette Pierre Ménès.
Pour l’instant, ce sont cinq journalistes au moins qui ont été priés de faire leurs cartons, ceux dont Les Jours avaient dévoilé que les convocations à un entretien préalable à sanction ou licenciement étaient intervenues après des menaces proférées explicitement le 1er avril dernier lors d’un Comité social et économique (CSE) extraordinaire par Frank Cadoret, directeur général de Canal+, visant nos supposées sources (lire l’épisode 161, « Affaire Ménès : Canal+ lance la traque aux sources »). Disant en avoir « par-dessus la tête que quoi qu’on fasse, ça sorte dans Les Jours », Cadoret avait tonné : « On prendra notre responsabilité dans tous les domaines, je voulais vous prévenir. Cette histoire ne va pas rester comme ça, ça aura des conséquences. Vous vouliez des conséquences ? Eh bien je vous garantis qu’il va y en avoir. »
Et il y en a. Un CSE extraordinaire s’est tenu ce vendredi matin pour la procédure de licenciement de Solange Tricaud, après sa convocation à la DRH le 16 avril dernier à un entretien préalable à son éviction. C’est une élue du personnel, au nom du syndicat +Libres, et c’est la procédure à suivre puisque son statut fait d’elle une salariée protégée. La direction devra ensuite demander à l’inspection du travail d’autoriser ce licenciement. Pendant plus de trois heures, lors de ce CSE, direction et syndicats se sont violemment écharpés. La première campant sur des positions intenables, les seconds scandalisés d’assister à tel événement. À la barre, côté chefferie, Gérald-Brice Viret, directeur des antennes de Canal+, instruit le procès de Solange Tricaud. La direction a pris soin de ne pas s’en prendre à elle en tant qu’élue du personnel mais en tant que membre de la SDJ, un mandat qui n’est pas reconnu par le droit du travail.