À vol d’oiseau, il n’y a qu’un kilomètre et la Seine du siège de CNews à celui d’Europe 1, mais il y a un monde entre les deux rédactions. L’une bolloréisée, zemmourisée, terrorisée ; l’autre toujours attachée à sa station mais laminée par une audience qui ne cesse de s’étioler. Pourtant, de l’une à l’autre, ces derniers jours, le même chuchotis d’étage en étage, de bureau en bureau, de bouche à oreille : « C’est fait. » C’est une question d’heures, à peine de jours : de sources concordantes, Vincent Bolloré est sur le point de racheter Europe 1. L’idée : appuyer l’historique station du groupe Lagardère sur sa chaîne info. L’objectif : offrir soudain un sérieux haut-parleur radiophonique à la ligne éditoriale singulièrement à droite de CNews à un an de l’élection présidentielle.
Chez CNews, le « C’est fait » dépasse largement le bruit de couloir : « Ce n’est plus de l’ordre de la rumeur, là ; on en est à : “Combien de jours avant l’annonce ?” », témoigne un journaliste. Thomas Bauder, le directeur de l’information de la chaîne, a même évoqué publiquement la future alliance avec Europe 1 en conférence de rédaction en fin de semaine dernière. Déjà, des noms circulent, comme celui de Laurence Ferrari pour l’interview politique du matin, au grand dam de Sonia Mabrouk, chargée actuellement de celle d’Europe 1, mais qui officie aussi sur CNews à la mi-journée… Une grille de rentrée pour Europe 1 version CNews serait même en train d’être élaborée, avec, pour plancher dessus, Serge Nedjar, directeur de CNews, et Gérald-Brice Viret, directeur général des antennes de Canal+. C’est vrai que pour coller du Pascal Praud, du Éric Zemmour ou du Jean-Marc Morandini partout, on n’est pas trop de deux… Mais telle est l’ambition, selon un haut cadre de Vivendi : « On veut faire CNews à la radio. »
Et c’est bien cette perspective de voir débarquer les têtes de gondoles de CNews sur la radio qui ne réjouit pas, mais alors pas du tout, à Europe 1. Là, contrairement à CNews, où la rédaction, complètement à l’os, voit le rachat d’un bon œil, c’est la consternation. Il n’a pas échappé non plus à la rédaction ce que Vincent Bolloré a fait d’i-Télé (des bûchettes, avec une centaine de salariés poussés dehors fin 2016 et le reste mis au pas) et comment il a reconstruit une Fox News au rabais sur ses ruines fumantes. Si l’hypothèse d’un Praud ou d’un Zemmour font légitimement hurler chez Europe 1, la perspective d’un retour de Jean-Marc Morandini est particulièrement cuisante.