L’effroi du doute. La contrepèterie était de rigueur pour décrire le nouveau drame qui agite les droits du foot : et si, après un tableau de chasse débordant de trophées au sang encore frais, Vincent Bolloré était tout simplement en train de liquider le foot français ? Car c’est bien sûr notre « smiling killer » préféré qui est derrière la dernière manœuvre en date, comme tout ce qui touche Canal+
Au bout des ficelles tirées par Vincent Bolloré, Maxime Saada, président du directoire de Canal+, qui s’en est allé poser la bombinette via les colonnes du Figaro, mardi, dans une interview d’une agressivité peu commune dans le monde feutré des affaires où, d’ordinaire, quand on plante un couteau dans le dos, on l’accompagne d’un petit bisou dans le cou. Là, non. Et vas-y qu’il y a « une perte de confiance entre Canal+ et les responsables du football français », vas-y que « nous n’avons pas été traités correctement ces dernières années » et vas-y que « ce sont des événements qui ne peuvent s’oublier »… La pilule, particulièrement saumâtre, date d’il y a deux ans et Saada n’arrive toujours pas à l’avaler : en mai 2018, pour la toute première fois de son histoire, Canal+ n’avait plus aucun match de Ligue 1. Et ce au terme d’un appel d’offres totalement raté par la chaîne cryptée qui a vu l’Espagnol Mediapro débouler sur le terrain français en raflant l’essentiel des droits de Ligue 1, mais aussi une bonne partie de ceux de la Ligue 2 (lire l’épisode 95, « Canal+ : Bolloré n’en a plus rien à foot »). Il fallait voir, alors, au siège du cabinet d’avocats de la Ligue de football professionnel (LFP), les présidents de clubs se claquer bruyamment les bretelles en se réjouissant de la manne : 1,15 milliard d’euros par an, acquitté en grande partie par Mediapro, contre 762 millions auparavant.
Quelques jours après cette raclée, Vincent Bolloré en personne s’explique lors de la présentation des résultats de son groupe : « Je préfère passer pour un crétin maintenant que de ruiner le groupe en perdant 400 millions d’euros par an pendant quatre ans. » Mais à 330 millions d’euros, est-on un crétin ? Nous laissons la question en l’air… Car en décembre 2019, c’est à ce prix que Canal+ récupère un peu de la Ligue 1 (lire l’épisode 135, « Canal+ se cramponne à la pelouse ») : 20 % des matchs acquis par BeIn Sports qui, c’était une première avec l’appel d’offres de 2018, avait le droit de sous-licencier ses droits.