The Bug feat. Dis Fig, In Blue (Hyperdub, 2020)
Quoi de mieux pour commencer cette année 2021 qu’un disque pour se lover dans le confinement ? Pour s’y sentir bien, accepter une bonne fois pour toutes que cela va durer encore, peut-être, mais aussi qu’une partie du monde aujourd’hui suspendu ne mérite peut-être pas de renaître. C’est ce que propose, en filigrane, le récent disque du Britannique Kevin Martin sous son alias « The Bug », ici en compagnie de l’Américaine Felicia Chen, alias « Dis Fig ». Final profond et interrogateur de cette année 2020 comme aucune autre, In Blue en est en même temps son portrait parfait et une proposition de fuite.
Kevin Martin a une carrière passionnante depuis le début des années 1990, qui se sépare en trois branches entremêlées : le post-punk et le metal (son label Pathological Records), la techno hardcore taillée pour les hangars métalliques (ses projets Techno Animal et Curse of the Golden Vampire) et la filiation qui va du dub jamaïcain à la drum and bass, qui habite notamment The Bug, son entité la plus visible et créative avec laquelle il signe là son sixième album depuis 1997. On y ajoutera son magnifique et écorché album Sirens sorti en 2019, qui témoignait, pour la première fois sous le nom Kevin Martin, des premiers mois difficiles de son fils. In Blue est un retour aux affaires plus serein, où The Bug referme sa période berlinoise avant un déménagement récent à Bruxelles. C’est dans la capitale allemande qu’il a été sollicité par Dis Fig, qui se partage entre New York et l’Allemagne et que l’on connaît pour ses recherches sonores rugueuses dans son album Purge (2019). D’un titre en commun pour ce disque, une amitié s’est nouée à distance, Covid oblige. Plongés dans la nuit où ils aiment tous les deux travailler, bien moins sollicités que d’habitude par leurs activités de DJ, The Bug et Dis Fig ont peu à peu fomenté un album à eux qui est une continuité pour le Britannique et une déviation surprenante pour Dis Fig.
In Blue déploie un dub électronique moite et lent qui évoque fortement King Midas Sound, le projet passionnant mené au fil de quatre albums par Kevin Martin avec le poète Roger Robinson et la chanteuse Kiki Hitomi. King Midas Sound conservait les grosses basses du dub et du dubstep, son rejeton club des années 1990 londoniennes, pour créer une soul lente à chantonner dans la nuit pluvieuse.