Donato Dozzy, Magda (Spazio Disponibile, 2024)
Il y a un vieux débat dans le monde de la musique, une discussion faite pour être irrésolue à jamais, qui s’interroge sur le lien systématique entre un lieu et la musique qui y est créée. Les interviews demandent ainsi souvent aux artistes s’ils sont influencés par leur ville, le lieu de leur enfance ou la cabane où leur nouvel album a vu le jour. Certains et certaines disent qu’iels restent les mêmes où qu’iels soient, quand d’autres, comme Bill Ryder-Jones, dont je parlais récemment dans cette chronique (lire l’épisode 20, « Bill Ryder-Jones et Lou Reed, la ville devant soi »), ont besoin de ne faire qu’un avec leur environnement pour y trouver l’inspiration. Depuis vingt ans, le producteur électronique italien Donato Scaramuzzi, alias Donato Dozzy, est sans aucun doute de cette seconde catégorie, lui qui n’a fait que mettre en sons les lieux dans lesquels il s’est trouvé ou dont il rêve encore pour donner corps à sa techno atmosphérique régulièrement somptueuse.
Magda, son onzième long format, est une apogée dans cette démarche, qui concentre la capacité de Dozzy à créer une musique très personnelle, très évocatrice de lieux autant que d’histoires, tout en laissant affleurer une culture musicale très profonde. La Magda du titre, c’est une tante inspirante de Donato Scaramuzzi, la petite cinquantaine aujourd’hui, qui a grandi dans la petite ville de San Felice Circeo, sur la côte méditerranéenne entre Rome et Naples. Baigné par la musique classique qu’écoutait ses parents, il ne fait depuis que revenir, encore et encore, à cet endroit apaisé et loin des grandes villes. C’est ce petit bout de côte et en particulier le lac de Sabaudia qui s’y étire et crée une langue de terre qui fut un terrain de jeu de son adolescence, que Dozzy célébrait dans son album le plus marquant jusqu’ici, publié sous le pseudonyme Voices from the Lake en 2012, en duo avec son compatriote Neel. C’était un récit géographique par les sensations, qui marchait sur des cailloux ronds à travers les herbes et les dunes pour atteindre une plage connue des seuls locaux dans la moiteur de l’arrière-saison pour y plonger dans une fête tribale. C’était aussi un disque d’ambient rapidement devenu essentiel.
Déjà, ce disque-là étalait la capacité du producteur italien à nous fournir beaucoup de douceur tout en donnant à sa musique une épaisseur d’érudit sonore jamais ramenarde qui s’est construite au fil des passions sonores.