Bill Ryder-Jones, Iechyd Da (Domino Recordings, 2024)
Faire surgir la beauté des douleurs, voilà le programme fondamental de la musique que l’on a trop tendance à oublier à notre époque qui célèbre la réussite par le chiffre sur les plateformes de streaming. Le cinquième album solo du Britannique Bill Ryder-Jones vient heureusement réaffirmer ce dogme en érigeant une fresque symphonique et poignante à son petit bout d’Angleterre pour exorciser les troubles personnels qui le handicapent depuis une dizaine d’années. Iechyd Da, qui veut dire quelque chose comme « à la vôtre » en gaélique, est d’emblée un grand disque de cette année 2024, pourtant ancré dans une recette rincée comme une plage du Nord-Ouest de l’Angleterre où l’histoire se passe : la pop orchestrale, sur laquelle Bill Ryder-Jones pose des histoires éminemment personnelles. « J’écris exclusivement sur des choses qui sont arrivées, et il se trouve que je suis toujours au même endroit », disait-il récemment de cet album qui le réconcilie un peu avec lui-même et avec sa musique, tout en mettant en scène son incapacité à s’éloigner de son petit monde réglé.
Bill Ryder-Jones a connu très tôt une première vie de musicien quand il a rejoint le groupe de quelques amis, The Coral, à 13 ans, à la fin des années 1990. Il y est resté pas loin de vingt ans à explorer une pop à guitares aux orchestrations psychédéliques ambitieuses qui en ont fait l’un des groupes les plus attachants de la pop d’outre-Manche. Mais dans cette aventure entre potes qui est devenue l’affaire d’une vie, le ténébreux Bill Ryder-Jones vivait de plus en plus mal le déracinement des tournées sans fin. Tout a explosé en 2008, quand il s’est perdu pendant huit heures dans une crise d’agoraphobie en pleine session d’enregistrement. Bill Ryder-Jones s’est mis à l’écart du groupe, pour finir par le quitter définitivement et se replier à West Kirby, une petite ville côtière anonyme à l’ouest de Liverpool, au bout de la ligne de train du Merseyside, et plonger peu à peu dans trop d’alcool.
West Kirby est le genre d’endroit routinier rassurant pour un agoraphobe, une sorte de bout de quelque chose où rien ne peut venir surprendre le quotidien. Bill Ryder-Jones y a installé un studio au bout d’une allée, où il produit des groupes émergents et des albums solo qui déploient depuis 2011 un monde sonore en perpétuelle crise existentielle. Il y avait beaucoup de belles chansons dans ces albums entre folk à nu et