Et un voilier bleu s’est installé au milieu du pont au Change, à Paris. Un peu après 15 heures, ce lundi 7 octobre, il a tranquillement déboulé, tracté via le nord de l’île de la Cité, pour s’engager sur le pont qui enjambe la Seine vers la place du Châtelet, et s’ancrer au milieu de la chaussée. Aussitôt, des dizaines d’activistes d’Extinction Rebellion, le mouvement de désobéissance civile écolo que racontent Les Jours, ont arrêté de jouer les touristes et se sont allongés devant sa coque pour faire barrage de leurs corps, coupant la circulation. Au même instant, des centaines de militants barricadaient six autres rues reliant la place à l’aide de bottes de paille et de palettes. À 16 heures, le cœur de Paris était pris, créant un embouteillage monstrueux aux alentours. L’« Occupation pour la suite du monde », nom de l’opération inaugurant en France la Rébellion internationale d’octobre (RIO), une action coordonnée du mouvement international Extinction Rebellion dans une soixantaine de villes du globe, démarrait en fanfare sous le soleil d’automne.
Il n’y a pas d’autres moyens de se faire entendre. Si mon fils était là, il vous aurait rejoint, faites attention à vous.
« Venez profiter de cette fête sans voitures ! », appelle au mégaphone un garçon planté au milieu du carrefour d’habitude si encombré. Autour de lui, c’est une ruche anarchique. Certains déchargent des camions de location passés par on ne sait où, remplis de matériel divers, tentes, éléments de décor, sono. D’autres montent des hamacs accrochés en hauteur sur un aérien système de perches. « Il n’y a pas d’autres moyens de se faire entendre. Si mon fils était là, il vous aurait rejoint, faites attention à vous ! », lâche une dame bien mise qui passe quai de la Mégisserie pendant que les ballots s’empilent. Sous les banderoles « Ici on se rebelle » fixées aux parapets, une vedette XR, drapeaux au vent, sillonne la Seine, suivie par deux Zodiacs de la gendarmerie et un bateau mouche. En t-shirt aux armes de XR, grimés en clowns, des pancartes « non-violent » accrochées au cou, les 2 500 inscrits pour la première action de la RIO semblent être au rendez-vous.
Autour du bateau bloqueur, convoyé il y a une semaine depuis Plougasnou, près de Morlaix, et stocké près de Paris en attendant le top départ, « Papa » s’active. Ce Breton de 42 ans, ouvrier du bâtiment, peau burinée et cheveux en bataille, les yeux clairs et rieurs, a pris, comme beaucoup ici, une semaine de congés pour participer à la RIO. « Longer les quais avec le bateau bâché, il faut bien dire que c’était assez jouissif, rigole-t-il.