Le monde manque cruellement d’un manuel de savoir-vivre à destination de ceux qui veulent manger bien, bon et bio sans se fâcher avec leurs proches. On imagine le chapitre consacré au dîner chez des amis, avec de belles pages sur ce que l’on peut ou non apporter pour l’apéro, le fromage ou le dessert. « Attention, attention, rien de trop transformé ! » Au diable donc les chips goût barbecue ou les desserts glacés si bons mais si industriels. « À l’inverse, n’offrez rien de trop jusqu’au-boutiste. » Le faux gras – foie gras végétal – sera, par exemple, probablement inconvenant pour votre hôte. N’espérez même pas vous reposer sur un label, ce n’est plus un totem pour personne (lire l’épisode 2, « Labels, au secours ! »).
Je pensais éviter ces dilemmes le premier week-end du mois de juin, alors que coïncidaient deux événements. En gros, j’allais dîner chez des amis juste après une après-midi au salon bio Naturally, porte de Versailles à Paris, dont le slogan est « Les beaux jours de la bio ». Je me voyais déjà dégotter pendant mon reportage un fromage ou des fruits si bons que j’allais pouvoir les décrire avec des mots qui sentent le terroir. Ma récolte fut très différente.
Après un bref tour de la centaine de stands, je fais cette estimation au doigt mouillé : à peine un quart des exposants vendent des produits alimentaires, infusions, tisanes et pinard compris. Les autres concernent des tas de choses aussi éloignées d’un petit chèvre frais issus de l’agriculture biologique que le magnétisme, la thérapie par les pierres ou encore les massages qui permettent la réharmonisation des chakras. Quand on demande à une « guérisseuse » si ses huiles essentielles sont labellisées bios, elle répond : « Non, mais tout est naturel. Par exemple, l’alcool qu’on utilise, c’est du whisky single malt. » Et ce whisky, il est bio ? « Je vous avoue qu’on n’a jamais essayé de savoir si ça existe. » On dirait qu’au salon Naturally la crédibilité d’un exposant ne se juge pas à son respect des règles ou de l’esprit du bio. En revanche, s’il faut la juger à la hauteur de ses prétentions, cette guérisseuse est en tout cas excellente : elle se dit capable d’« éradiquer » la dépression, l’asthme et les douleurs chroniques. Rien que ça.
Pas le temps de niaiser, la conférence d’un chaman – c’est comme ça qu’il se présente – vient de démarrer. Un homme d’une cinquantaine d’années adossé à un poster ésotérico-cabalistique débite un monologue ininterrompu. Grâce à des expressions comme