«Plus personne ne peut me toucher, à part mon copain. Si c’est un médecin, il ne faut pas m’effleurer ni me serrer la main. » Laureen Lecacheur ne s’est pas fait examiner depuis 2019. « Je peux pas. » 2019, c’est l’année où la jeune femme, alors âgée de 24 ans, est séquestrée puis violée par un homme avec qui elle a « matché » sur un site de rencontres. C’est aussi la date d’un autre « viol », celui qu’elle dit avoir subi de la part d’une gynécologue quelques heures plus tard. Il est alors 3 heures du matin, à l’hôpital Sainte Musse de Toulon. Laureen sort tout juste du commissariat où elle a porté plainte. Elle doit à présent être examinée « le plus vite possible » par un médecin.
« Ni un bonjour ni un regard. » La gynécologue lui demande de réexpliquer les faits, « alors qu’elle a le procès-verbal sous les yeux ». La jeune femme ne veut pas d’un énième interrogatoire. « Elle insiste une dizaine de fois, mais je ne cède pas. » La médecin lui « ordonne » alors de se déshabiller et de s’allonger, mais Laureen n’arrive pas à écarter les jambes sur les étriers, elle garde « les genoux serrés », « tremble de tout [s]on corps ». « Elles tirent de toutes leurs forces avec l’infirmière », qui s’appuie sur la jambe de Laureen pour la bloquer. « J’ai super mal. Je me débats. Je me mets à pleurer en les suppliant de me laisser partir. » La gynécologue rétorque que l’examen est obligatoire, puis « rentre le spéculum sans prévenir ». « Je me suis déjà cassé le bras mais cette douleur-là est indescriptible. Elle me dit de ne pas faire la gamine, que je lui gâche sa soirée. » La jeune femme arrête de se débattre. « Mon cerveau a lâché. »
Aujourd’hui, Laureen craint d’être atteinte d’endométriose : ses règles lui infligent une douleur « à se taper la tête contre les murs » et sa mère souffre de cette maladie, souvent héréditaire, qui touche une femme sur dix en France. Pour autant, elle n’a pas passé l’échographie endovaginale qui permettrait de poser un diagnostic. Impossible de subir un examen depuis cette nuit toulonnaise, « encore moins celui d’une gynécologue ». « Si ç’avait été un homme, je ferais peut-être encore confiance à la moitié des médecins… » Depuis 2020 et « des gros troubles du sommeil », elle s’arrange pour renouveler son ordonnance de quétiapine, un antipsychotique, sans être auscultée. « Je peux juste espérer que mon état de santé ne se dégrade pas plus. »
Après un viol, les examens médico-légaux peuvent être vécus comme un second traumatisme (lire l’épisode 2, « “Je me suis mise à pleurer, à lui répéter qu’il ne me croyait pas” »).