Trump-Nixon, même combat ? En mai 1977, les Américains ont la surprise de retrouver en prime time à la télévision, trois ans après sa démission de la Maison-Blanche, l’ex-Président déchu, répondant avec franchise aux questions de l’animateur britannique David Frost dans quatre émissions spéciales. Lors de la troisième, Richard Nixon, harcelé à propos du plan Huston, dans lequel il avait brièvement autorisé en juillet 1970 le cambriolage et l’espionnage d’activistes de gauche, finit par lâcher : « Si un président le décide, eh bien cela veut dire que ce n’est pas illégal. »
Le tumulte déchaîné par cette phrase est tel que Richard Nixon est obligé de se fendre quelques jours plus tard d’un communiqué dans lequel il affirme ne pas croire que le président soit au-dessus des lois. C’est bien pourtant ce qu’il faisait plaider trois ans plus tôt devant la Cour suprême pour ne pas avoir à rendre les bandes enregistrées à la Maison-Blanche exigées par le procureur spécial Leon Jaworski dans l’enquête sur le Watergate. Le président républicain revendiquait un privilège absolu de l’exécutif concernant ses conversations avec ses conseillers, les rendant inaccessibles pour les besoins de l’enquête. La Cour suprême ne suit pas les avocats du Président et, dans son arrêt « United States v. Nixon » du 24 juillet 1974, elle ordonne à l’unanimité que soient livrées à Leon Jaworski les bandes, tout en reconnaissant l’existence d’un privilège de l’exécutif qui ne peut cependant équivaloir à une immunité judiciaire totale du président. Cet arrêt, qui force dix jours plus tard la démission de celui-ci, devient le symbole d’une présidence contrainte par ses contre-pouvoirs et d’une démocratie américaine exemplaire.
Un demi-siècle plus tard, Donald Trump, qui a autrefois entretenu une longue correspondance avec Richard Nixon, revient mettre à l’épreuve ce consensus démocratique d’un président américain tout-puissant mais pas au-dessus des lois. Et il fait de la Cour suprême l’arbitre ultime de son statut et de son avenir politique. Les recours qu’il semble prêt à faire remonter en cascade jusqu’au sommet du pouvoir judiciaire ont déjà une vertu tactique, celle de retarder certains procès qui lui sont promis depuis ses inculpations (lire l’épisode 16, « Trump, complot contre l’Amérique »). Et la Cour suprême lui a donné un premier point le 22 décembre.