C’était le premier procès pénal de l’ubérisation, et le jugement est à la hauteur des attentes. Ce mardi 19 avril, le tribunal de Paris a condamné Deliveroo à 375 000 euros d’amende pour travail dissimulé, soit la peine maximale. Deux anciens dirigeants sont condamnés à un an de prison avec sursis, 30 000 euros d’amende et cinq ans avec sursis d’interdiction de diriger une société. Cette condamnation historique ouvre la voie à d’autres procès, au pénal mais aussi au civil, où des milliers de livreurs pourraient demander une réparation financière.
Mais ce jugement n’empêchera pas la plateforme de continuer ses activités. Car aujourd’hui, seule une évolution de la loi pourrait contraindre les acteurs de l’ubérisation à respecter le droit du travail. En Espagne ou au Portugal, les travailleurs ubérisés sont aujourd’hui salariés. En France, cette option n’a jamais fait partie du champ des possibles dessiné par le gouvernement. Quels sont les enjeux d’avenir, dans l’Hexagone comme dans les institutions européennes ? Les Jours ont interrogé Leïla Chaibi, députée La France insoumise au Parlement européen, et Hind Elidrissi, fondatrice d’Indépendants.co, un syndicat réservé aux indépendants.
Leïla Chaibi est membre de la commission Emploi et Affaires sociales. Elle a rédigé plusieurs travaux sur l’ubérisation, dont une proposition de directive et un simulateur en ligne qui compare les rémunérations des livreurs indépendants et salariés. Hind Elidrissi a été membre du Conseil national du numérique, pour qui elle a corédigé un rapport sur le travail ubérisé.
Ce mardi, la société Deliveroo a été condamnée à 375 000 euros d’amende, soit la peine maximale pour le délit de travail dissimulé. Que vous inspire ce jugement historique ?
Leïla Chaibi : Je suis très heureuse de cette condamnation. Elle envoie un message clair aux plateformes qui ont contourné le droit du travail. Ce message, c’est que la fête est finie. Ce que dit la justice, c’est qu’il n’est plus possible d’utiliser le statut d’indépendant de manière frauduleuse. Car c’est du travail dissimulé. Et je suis ravie des conséquences qui vont découler de cette condamnation : l’Urssaf va pouvoir réclamer les millions d’euros qu’elle aurait dû toucher via les cotisations sociales. Les livreurs vont pouvoir réclamer des dommages et exiger les mêmes droits que tous les autres salariés.