C’est un crime affreusement banal, qui avait une telle allure de déjà-vu qu’au moment où il est survenu il n’a pas passionné les médias nationaux. Le dimanche 22 juin 2008, entre 19 heures et 22 heures, Caroline Marcel, une mère de famille divorcée de 45 ans à l’allure plutôt menue et sportive, a garé sa Clio noire sur un parking près d’une maison de retraite à Olivet, au sud d’Orléans. Elle est ensuite partie seule en tenue de sport faire un jogging sur les bords du Loiret. Son corps a été retrouvé le lendemain à moitié immergé dans la rivière, à moins de 3 kilomètres de son point de départ, au niveau du sentier de la Mothe Saint-Avit. Elle avait été frappée sur tout le corps, étranglée et violentée sexuellement avec un morceau de bois. Le lendemain, la clé de sa voiture a été retrouvée un peu miraculeusement dans l’eau et versée aux scellés de la procédure. Après plus de quinze ans d’une enquête jamais refermée, qui avait buté à la police judiciaire (PJ) d’Orléans sur plusieurs fausses pistes, un suspect a été arrêté le 16 janvier dernier à Pamiers, dans l’Ariège. Chômeur de 33 ans et père de famille, il a ensuite été mis en examen pour meurtre et placé en détention provisoire.
L’homme, originaire d’Orléans et hébergé en famille d’accueil en 2008 (il avait 18 ans), travaillait à l’époque comme paysagiste dans les environs de la scène de crime. Il a un profil de délinquant sexuel, du fait d’une première affaire non jugée et d’une condamnation pour viol en première instance en 2005, qualification modifiée en agression sexuelle en appel en 2009 : il écopera d’un an de prison, dont huit mois avec sursis. Son ADN a été identifié sur la fameuse clé, soumise au Service national de police scientifique (SNPS), sorte de service public de l’expertise génétique, sur demande de la juge d’instruction Nathalie Turquey. Nommée parmi les trois premières juges d’instruction du pôle judiciaire « cold cases » de Nanterre (lire l’épisode 1, « Le terminus des tueurs cachés »), elle a hérité de ce dossier en juin 2022, sur signalement de l’OCRVP (Office central de répression des violences aux personnes), le service enquêteur dédié aux dossiers à l’abandon (lire l’épisode 11, « Flics têtus pour causes perdues »). Le suspect a gardé le silence lors de son interrogatoire de première comparution par la juge, le 20 janvier. Il y en aura d’autres. L’homme est détenu à Nanterre.
C’est parce que ce crime est typique des dossiers que reprend depuis presque deux ans le pôle de Nanterre que les leçons procédurales et méthodologiques de cette affaire sont essentielles.