Depuis 2007, la délégation aux victimes (DAV), une unité rattachée au ministère de l’Intérieur, rend un rapport annuel sur les morts violentes au sein du couple. Publié aux alentours de l’été, il donne le nombre précis des féminicides conjugaux survenus l’année précédente. C’est le chiffre officiel, établi grâce aux données consolidées qui remontent des juridictions du pays aux gendarmes et policiers membres de ce service particulier. Une méthode qui « nécessite un travail de recherches et de recoupements qui s’étend sur plusieurs mois », nous font savoir les fonctionnaires de la DAV par mail. Ce travail minutieux fait office de juge de paix entre les différents décomptes, militants ou médiatiques, et n’est, depuis dix-sept ans, pas contesté. Dès ce 2 janvier pourtant, et sans attendre l’étude annuelle, le ministre de la Justice a annoncé qu’il y avait eu 94 féminicides en 2023, soit une baisse de 20 % par rapport à 2022.
« C’est très loin d’être satisfaisant, a précisé Éric Dupond-Moretti dans une interview au Figaro. Nous savons que lutter contre ce fléau prend du temps […]. Mais l’engagement de la justice française pour endiguer les féminicides porte tout de même ses premiers fruits. » Ce satisfecit et ce chiffre avancé si tôt dans l’année n’ont pas été du goût des professionnels de terrain, associations et familles de victimes. Pour tenter d’appréhender leur ressenti et la réalité des données, Les Jours sont allés interroger les interlocuteurs rencontrés depuis plus d’un an à l’occasion de cette série, Assassinées (lire l’épisode 1, « Une femme tous les trois jours »).
Constat liminaire : ce n’est pas la première fois qu’Éric Dupond-Moretti grille la priorité à la DAV. Le 2 février 2021, dans une vidéo Facebook, il révèle « les chiffres définitifs des homicides conjugaux perpétrés en 2020 » et annonce que, sur les 106 crimes perpétrés, « 90 victimes sont des femmes »
Cette année, l’écart entre les 94 féminicides annoncées par Éric Dupond-Moretti et les décomptes militants a encore provoqué l’ire des associations.