Mauves, blancs, les lilas fleurissent. Asnières, Courbevoie, Neuilly, forts du sud, Issy, Vanves, Montrouge, cette semaine encore, les combats sont acharnés, rapporte l’état-major fédéré dans ses dépêches à la Commune. Sous la mitraille, les « Trente sous » se battent avec un entrain admirable, affirment leurs commandants. La solde pour manger, l’idée pour lutter, dans les marmites refroidies du bataillon, le lard rancit vite, dans les sanglantes mêlées de corps à corps, vous ne cédez rien, de la bicoque effondrée au dérisoire épaulement d’un talus bourbeux, insignes victoires à inscrire sur le drapeau de la Commune.
Nos fédérés sont des héros, le général Émile Eudes le dit à la Commune. Dans Le Cri du peuple du 18 avril, Jules Vallès écrit : « Il ne faut pas peser les gouttes d’encre quand il coule des flots de sang, et ce n’est pas avec une plume, mais avec une baïonnette que doit être écrite cette histoire admirable de Paris, debout victorieux. » Trente-mille gloires fatiguées, souillées de fange, trempées d’honneur ont besoin de repos. La relève est désorganisée, les tambours crevés à battre de vains rappels. Déjà trop de réfractaires, la Commune gronde, sévit et discipline à vau-l’eau. Charles Delescluze, en séance de l’assemblée communaliste : « On se plaint de l’inexécution de nos décrets. Eh bien, citoyens, n’êtes-vous point un peu complices de cette faute ? On se plaint que la loi contre les réfractaires et les complices de Versailles ne soit pas exécutée. Eh bien, quand la commission exécutive est venue vous demander cette loi, les uns l’ont trouvé trop douce, les autres trop sévère. »
Le plus grand malheur que nous ayons, c’est que les canonniers soient trop payés ; ils ont 3 francs par jour, et cela leur permet de boire plus que de raison.
Sous la présidence du colonel Rossel, la cour martiale tient ses audiences, voici ce que j’ai pu entendre : « Après cinq jours de tranchées, témoigne un capitaine fédéré, le bataillon s’est reposé une nuit. Le lendemain, commandé pour la tranchée et la barricade, nos officiers se sont réunis, ils nous ont déclaré que nous n’irons pas aux tranchées, mais à Paris. » « Combien étiez-vous ? », demande la cour. « Deux compagnies, environ 150 hommes, nous avons été envoyés à la tranchée où nous y sommes restés six jours et six nuits, nous n’avions ni tente ni abri ; il n’était pas possible de faire marcher les hommes de force. » Le témoin dit avoir « suivi » ses hommes se retirant à Paris. «