«I l s’agit d’une entreprise très masculine, très hiérarchisée, où les supérieurs ont un pouvoir de décision considérable sur les plannings et les primes. » Tel est le portrait que Laure Ignace, juriste de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), dresse de la RATP. « Un sujet de préoccupation pour l’association », expliquait la déléguée générale de l’AVFT, Marilyn Baldeck, dans l’épisode précédent du Sale boulot (lire l’épisode 3, « “Ce jour-là, la RATP a fait de moi une coupable” »). Les Jours ont pu retrouver la trace d’une dizaine d’agentes qui se battent aujourd’hui à l’intérieur de l’entreprise ou devant les tribunaux pour obtenir justice. Laure Ignace, qui suit actuellement deux dossiers de salariées de la RATP, dénonce le rôle de la caisse d’assurance maladie des agents de la RATP, la CCAS (Caisse de coordination aux assurances sociales), qui dépend de la direction et qui, selon l’expérience de l’AVFT « impose des décisions de reprise du travail à des victimes dans un état de santé très dégradé ».
Ben, il faut savoir vous défendre, hein…
Lisa en a fait les frais. Dans le petit local de l’AVFT du XIVe arrondissement de Paris, Laura Ignace, kit main libre à l’oreille et foule de papiers étalés sur la table devant elle, écoute l’histoire de cette agente de la RATP, hoche la tête, quand soudain, elle interroge, stupéfaite : « Mais… vous avez repris le travail ? » Malgré le harcèlement sexuel et les menaces dont Lisa se dit victime de la part de son supérieur, malgré sa profonde dépression et son arrêt-maladie, la CCAS exige de l’agente qu’elle retourne sur les quais du métro parisien.
Nous lui avons donné rendez-vous aux Jours, juste après son service. Tailleur vert bouteille et foulard autour du cou – l’uniforme RATP –, l’agente vient tout juste de terminer une mission de « canalisation » (il s’agit de réguler la foule sur les quais) dans une grande station de métro parisienne. Afin de préserver son anonymat dans une affaire actuellement instruite, nous ne pouvons entrer dans le détail des faits qu’elle dénonce. Mais nous pouvons préciser que les violences dont elle se dit victime ont eu un effet destructeur sur la confiance de la jeune femme, au point que sa médecin traitante l’a placée en arrêt-maladie pendant plusieurs mois, afin qu’elle ne retourne pas immédiatement « dans un cadre où [elle] ne se sent pas en sécurité, où [elle] craint ses collègues masculins depuis que l’un d’entre eux [l’a] harcelée », explique Lisa.