À 12 h 17 ce vendredi 16 octobre, Abdoullakh Abouyezidovitch Anzorov, un Russe d’origine tchétchène de 18 ans né à Moscou, qui avait obtenu le 4 mars dernier un statut de réfugié en France, a saisi ces mots dans les notes de son téléphone portable : « De Abdullah, le serviteur d’Allah, à Macron, le dirigeant des infidèles, j’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad. Calme ses semblables avant qu’on ne vous inflige un dur châtiment. » Il a passé ensuite l’après-midi aux abords du collège du Bois d’Aulne, une zone pavillonnaire de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Selon le récit des faits donné ce samedi par le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard, il a demandé aux enfants qui sortaient de lui désigner Samuel Paty, un enseignant d’histoire-géographie de 47 ans. La mécanique infernale et meurtrière de l’affaire des caricatures, qui remonte à 2005, était en marche.
Alors que le professeur regagnait à pied son domicile proche, le jeune Tchétchène l’a agressé et tué en le frappant à de multiples reprises à l’abdomen, aux bras et au visage avec un couteau de cuisine de 35 centimètres. Il l’a ensuite décapité et a posté sur son compte Twitter une photo de la tête avec le message qu’il avait enregistré en début d’après-midi. Il a pris le temps de répondre à un internaute qui l’interrogeait en lui donnant le nom de sa victime : « C’est Mr Paty. » Il a ensuite fui à pied, abandonnant l’arme du crime. Un équipage de police, alerté par des riverains, l’a pris en chasse. Les policiers ont tué de neuf balles le jeune Tchétchène qui avait ouvert le feu sur eux avec, curieusement, un pistolet à billes et les menaçait d’un second poignard, a relaté le procureur.
On a su très vite que ce meurtre sauvage était lié à un cours sur la liberté d’expression donné le 5 octobre par Samuel Paty à des élèves de quatrième et où il avait montré, faisant le lien avec l’actualité du procès, deux caricatures de Mahomet issues de Charlie. Cette terrible « réplique » du séisme du 7 janvier 2015, qui avait installé les sujets du terrorisme et de la liberté d’expression dans le débat public mondial, a relancé les controverses et l’émotion. Sous le slogan « Je suis prof » qui fait écho à celui de 2015 « Je suis Charlie », des rassemblements se sont déroulés un peu partout en France ce dimanche, notamment place de la République à Paris.