Molenbeek, envoyée spéciale
Il suffit de traverser le pont. Quarante mètres d’asphalte bordés de moulins à vent colorés, au-dessus du canal Bruxelles-Charleroi. Un moment suspendu que l’on raterait presque, perdus dans la circulation bruxelloise embouteillée et limitée à 30 km/h. Quelques dizaines de mètres pour passer du quartier branché de la capitale belge Dansaert à la tristement célèbre Molenbeek-Saint-Jean. Une minute à peine pour rallier l’autre rive en voiture. La Grand-Place de Bruxelles est à dix minutes de marche. En 2015 pourtant, la couverture médiatique des attentats laissait penser que le quartier d’origine de trois des assaillants du 13 Novembre
Notre imaginaire avait tort. Les quelque 100 000 habitants de Molenbeek-Saint-Jean se partagent certes un territoire d’à peine 6 km², mais tout crie la proximité avec la capitale. Son métro circulant à travers le quartier à intervalles réguliers, son bruit, sa foule qui fourmille, sa capacité à rendre n’importe qui anonyme. Autour de la place communale, il y a certes des tours grises et fissurées par le temps mais, à leurs pieds, des commerces ont fleuri. Sur les mannequins en plastique, des hijabs colorés volent au vent. Les boulangeries, boucheries et autres épiciers halal rejettent dans l’air un fumet délicieux. Au fur et à mesure qu’on s’éloigne du centre-ville, la hauteur des bâtiments diminue, les pavillons de ville s’enchaînent, ponctués par quelques touches de verdure.
Molenbeek, c’est tout petit, tout le monde se connaît. On va boire un verre, on mange ensemble, on se voit tout le temps.
Comment croire, à première vue, que ce quartier a abrité ceux qui comparaissent jusqu’en mai devant la cour d’assises de Paris ? Parmi les vingt accusés, dix ont grandi à Molenbeek. Quatre autres y ont fait des passages remarqués avant novembre 2015. « À Molenbeek, il y a des mosquées, oui. Il y a une majorité de musulmans, donc c’est normal. Ce qui est moins normal, c’est que certains, pas la majorité, prêchent un islam radical », a expliqué Isabelle Panou, juge d’instruction belge, à la barre du tribunal début septembre. Mais « dire que le jihadisme européen est à Molenbeek, c’est faux », a-t-elle martelé.
Pourtant, en 2015, « très vite, la France s’est tournée vers la Belgique et la Belgique s’est tournée vers Molenbeek », témoigne auprès des Jours Françoise Schepmans, bourgmestre de Molenbeek entre 2012 et 2018.