C’est une drôle d’histoire que celle du pôle national des crimes sériels et non élucidés de Nanterre, dit « pôle cold cases », né subrepticement fin 2021 d’un amendement parlementaire puis d’un décret « express » de janvier 2022. Il a célébré son deuxième anniversaire jeudi 7 mars par une conférence de presse de Benjamin Deparis, président du tribunal, de Pascal Prache, procureur, et du Garde des sceaux Éric Dupond-Moretti. Après une visite des locaux avec remerciements publics aux magistrats (ce qui n’est pas franchement une habitude encore installée chez lui), le ministre a dit à la presse : « Je suis très heureux de ce pôle, qui est très important, car il sort un certain nombre de familles de l’obscurité où elles étaient plongées. »
Installé au forceps par le ministère dans un tribunal déjà débordé, en tordant les bras des « huiles » locales plutôt réticentes, le pôle a commencé ses travaux en mars 2022 dans un climat de scepticisme, compte tenu de la forte impopularité d’Éric Dupond-Moretti, ex-ténor du barreau. Il était alors suspecté de vouloir faire un « coup » de communication sur un sujet à la mode pour faire oublier ses démêlés avec les syndicats de magistrats, qui le poursuivaient pour « prise illégale d’intérêts ». Malgré sa relaxe, l’ambiance ne s’est pas arrangée depuis. En revanche, le pôle a dans le même temps fait taire les grincheux. Les trois juges d’instruction et les deux magistrats du parquet ont en effet déjà élucidé plusieurs cas d’homicides ou de disparitions tombés dans l’oubli ou restés dans l’impasse pendant une éternité dans des services enquêteurs et des tribunaux de région. Sur 94 affaires reprises (dont 77 à l’instruction et 17 en enquête préliminaire sous conduite du parquet), cinq suspects ont été mis en examen dans cinq dossiers distincts et, dans un sixième cas, un corps a été mis au jour avec un suspect décédé, ont annoncé lors de leur conférence de presse le procureur et le président de Nanterre. De plus, il y a des pistes sérieuses dans d’autres dossiers. C’est déjà énorme pour quelques mois de travail, car les juges se sont installés très progressivement.
L’attente sociale est immense et ne pourra être totalement satisfaite.
Paradoxalement, ces victoires judiciaires risquent pourtant de mettre dans un grand embarras la place Vendôme, car il apparaît désormais très clairement que le sujet des « cold cases » est bien plus vaste que ce qu’on pensait.