Ce fut l’un de ces moments de cour d’assises où on se pince pour être sûr qu’on ne rêve pas. Un grand policier chevronné, Philippe Guichard, 62 ans, aujourd’hui sous-directeur à la Direction générale de la police nationale (DGPN) chargée du crime organisé, est venu le 8 décembre à la cour d’assises de Nanterre tenter de sauver la mise à Monique Olivier et, d’une certaine manière, alléger le passif de Michel Fourniret, mort en 2021. Une autre policière, Stéphanie Duchâtel, 56 ans, ex-chef du groupe d’enquête « Estelle » à la PJ de Versailles, en a remis une couche derrière lui à la barre, dans le même sens. L’élite de la police s’est donc faite, même si elle s’en est défendue, l’avocate du pire duo de tueurs en série de l’histoire pénale française.
À la fin d’une déposition de plusieurs heures sur l’enquête concernant l’enlèvement d’Estelle Mouzin le 9 janvier 2003 à Guermantes (Seine-et-Marne), Philippe Guichard, qui a dirigé les débuts de la procédure avec la PJ de Versailles et participé de manière éminente à la suite, a ainsi estimé que l’« ogre des Ardennes » ne tuait « que » des jeunes filles. Il ne pourrait donc, selon lui, s’être intéressé à Estelle Mouzin, 9 ans. Philippe Guichard a alors lâché cette phrase qui a fait scandale : « Je ne crois pas que ce soit un pédophile, Fourniret, je suis désolé. » Concernant un criminel condamné dès les années 1960 pour des abus sexuels sur mineures et dont on sait qu’il a notamment violé et mis à mort Élisabeth Brichet, 12 ans, en 1989, Natacha Danais, 13 ans, en 1990 et Mananya Thumpong, 13 ans, en 2001, il y avait de quoi tomber de sa chaise. Le policier connaît-il vraiment le dossier, doit-on soupçonner qu’il est de mauvaise foi ? Il est vrai que Philippe Guichard était venu avec en tête le souhait explicite de flinguer l’enquête par laquelle les gendarmes en 2020, reprenant le dossier après seize ans d’échec de la PJ Versailles, ont « sorti » l’affaire, obtenant les aveux du couple, le scénario du crime, un ADN relié à Estelle Mouzin chez Fourniret et une série de dépositions périphériques qui crédibilisent le tout.
Tout cela me laisse un peu dubitatif sur l’implication de Michel Fourniret. Je ne suis pas avocat de la défense, je ne suis pas là pour défendre Monique Olivier… Mais je suis empreint au doute, je n’en sais rien, il me semble de ma mission de vous le dire.
C’était sans doute humiliant pour les huiles de la PJ, dans le climat éternel de guerre police-gendarmerie, une vieille blague française.