50 millions d’euros et un blâme. C’est la sanction infligée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) à La Banque postale pour avoir laissé perdurer pendant « environ huit ans » de sérieuses failles dans son dispositif de lutte contre le financement du terrorisme. Dans une décision datée du 21 décembre, rendue publique ce lundi, le « gendarme des banques » souligne à plusieurs reprises la « gravité » de ces manquements, révélés par Les Jours en décembre 2017, et qui ont parallèlement conduit le parquet de Paris à ouvrir une enquête pénale, confiée à la brigade financière. Celle-ci est toujours en cours.
La décision de l’ACPR, longue de onze pages, reproche à La Banque postale des « carences du dispositif de gel des avoirs » (le blocage des fonds appartenant à certaines personnes physiques ou morales), « l’absence d’actions correctrices permettant d’y remédier, plusieurs années après qu’elles ont été détectées » et la transmission « de renseignements erronés » au régulateur sur les mesures mises en œuvre.
La Banque postale a exécuté au moins 75 opérations pour le compte de dix clients. […] Dans 9 cas sur 10 en raison d’activités terroristes.
Le cœur de ses critiques porte sur les mandats cash, ce système qui permet d’envoyer facilement de l’argent liquide. Faute de dispositif de contrôle efficace, écrit l’ACPR, « La Banque postale a exécuté au moins 75 opérations pour le compte de dix clients » qui faisaient l’objet d’un gel d’avoirs, « dans 9 cas sur 10 en raison d’activités terroristes » entre décembre 2009 et mars 2017. Or, poursuit le « gendarme des banques », La Banque postale savait « dès 2013 » qu’elle violait ses obligations légales et n’a pas réagi de manière assez vive. Les utilisateurs de mandats cash (même lorsqu’ils s’agissait de détenus) ne faisaient tout simplement pas l’objet des vérifications nécessaires. Les projets de refonte informatique ont connu « des reports successifs », notamment pour des raisons de coûts et de « difficultés techniques ». Des excuses insuffisantes, juge l’ACPR, « dans un contexte marqué par l’aggravation de la menace terroriste et une attention accrue des pouvoirs publics sur le “micro-financement” de tels actes ».
Le « gendarme des banques » n’évoque pas nommément les exemples développés l’an dernier par Les Jours, sur la base du prérapport dont nous avions eu connaissance. Il était notamment question d’une étonnante négligence de La Banque postale à l’égard d’une banque d’État syrienne, la Saving Bank, dont les avoirs avaient été gelés sur décision de l’Union européenne parce qu’elle finançait le régime de Bachar el-Assad.