C’était comme une respiration. Une semaine dans un petit port de Bretagne pour réfléchir autrement à l’actualité turque . Le pays semble plus que jamais au bord du gouffre après le coup d’État manqué de juillet, la purge terrifiante qui a suivi et se prolonge. Comment comprendre une telle accélération ? Le festival de cinéma de Douarnenez, qui s’est achevé samedi 27 août, proposait quelques pistes, avec des films et des débats. Engin Sustam, sociologue contraint à l’exil dont le travail explore l’espace kurde dans la production artistique, était là. Je l’avais rencontré pour la première fois en janvier, à Istanbul, alors qu’il était sous tension, menacé pour avoir signé la pétition des universitaires pour la paix (lire l’épisode 1, « Dans la marmite turque »). Il a passé une semaine à Douarnenez. « C’est la première fois, disait-il samedi, que je me sens aussi bien depuis que j’ai quitté la Turquie. Parler de cinéma, de culture, permet de sortir de l’enfermement politique. Je n’en peux plus de parler de mon sort, de cette pétition, de la situation en Turquie. Me retrouver dans un endroit où je peux analyser des films, parler de cinéma et de philosophie me permet d’échapper à cette pathologie dans laquelle cette pétition et ses conséquences nous ont longés. Rencontrer d’autres minorités, échanger avec elles pendant une semaine, me permet de réfléchir mon travail de recherche autrement. Il faut échapper à son identité dominante pour accéder aux autres, devenir plus libre, plus émancipé. »
Chaque année, le festival de Douarnenez part précisément des minorités, de leurs cultures, pour comprendre les enjeux politiques d’un pays, les identités qui le constituent. Choix particulièrement pertinent lorsqu’il s’agit de parler de cette Turquie qui s’obstine à construire son (apparente) unité nationale sur le dos de ses minorités, ethniques, culturelles, religieuses, sexuelles… En mêlant cinéma, littérature, musique, politique, Histoire, etc., le festival désosse consciencieusement les identités dominantes. Cela passe par des films, des documentaires sonores, des concerts, des lectures, ainsi que des débats et beaucoup de lieux de parole. Au fil de la semaine, l’impression pour beaucoup de se nourrir, de saisir plus en profondeur pourquoi la Turquie en est là, et quel potentiel elle conserve pour résister à ce qui lui arrive. À la fin d’un débat, une vieille dame, universitaire en retraite, disait :