Au Pirée, mégaphones, banderoles et tracts sont de sortie. En ce 21 mars, il flotte sur le terminal E1 du port des airs de révolution. Dans le cortège qui se dirige vers le hall d’accueil, Lisa Ferda, une enseignante en collège, explique qu’elle participe à ce défilé pour manifester contre la fermeture des frontières et la politique menée par l’Union européenne !
Dans le viseur ? L’accord signé entre l’UE et la Turquie le 18 mars. Ce qu’il comporte, notamment le renvoi vers la Turquie des réfugiés arrivés en Grèce après le 20 mars, suscite une farouche opposition auprès d’une part de la population du pays et une vive inquiétude chez les réfugiés. Soudain, notre discussion avec l’enseignante est interrompue : Vous êtes Grecque ?
Oui !
Merci pour tout, Madame ! Merci pour l’accueil !
, lui lance Fouad Fahad. L’échange est bref. Mais cet exilé syrien de 28 ans tient à montrer qu’il est touché par la présence des manifestants, comme par celle des bénévoles qui s’activent sur le camp.
Tous les jours, nous collectons des affaires de première nécessité que nous distribuons
, indique Lisa Ferda. Avant de poursuivre sur les raisons de la mobilisation. Pour elle, le nouvel accord ne respecte pas les conventions internationales
puisqu’il prévoit des renvois de réfugiés. Nous demandons que les frontières soient ouvertes, que les gens puissent aller là où ils veulent, en toute sécurité
, poursuit l’enseignante, pendant que d’autres manifestants rappellent que le 21 mars est la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.
Un pas en retrait de la petite foule rassemblée devant le hall d’accueil, Tammam observe la scène avec Sohayb, un réfugié irakien rencontré sur le camp (lire l’épisode 3, « Une étoile filante et un horizon bouché »). L’Europe est donc devenue une prison pour nous ! Et Maman Merkel, elle ne veut plus de nous ?
Sohayb avait placé en la chancelière allemande ses derniers espoirs ; ils sont douchés. Tammam aussi est inquiet : Ma famille sera-t-elle renvoyée en Turquie ?
Les Jaamour sont arrivés le 4 mars sur l’île de Kastellórizo. Ils ne risquent donc pas le renvoi. Mais ils n’ont plus de perspectives. Ils comptaient rejoindre l’Allemagne avec un passeur, cette option n’est plus envisageable. Les frontières sont fermées, la violence policière sévit en Macédoine à l’encontre de tous ceux qui tentent de s’échapper de Grèce.