«Les Bolloré étaient de hardis marins bretons qui défendaient les embouchures des rivières contres les invasions des pirates anglais ou espagnols.
Non, Vincent Bolloré n’a pas décidé de mettre à l’antenne de Canal+ une série sur sa saga familiale – pas encore du moins. C’est lors d’un très sérieux comité d’entreprise (CE) du groupe Canal+ que ses glorieux ancêtres ont fait irruption dans la bouche du seigneur et maître de Vivendi et Canal+. Les Jours ont obtenu le procès-verbal de ce CE que nous publions ici, hardis marins bretons que nous sommes, nous aussi.
Nous sommes au matin du 3 septembre 2015, pile poil deux mois après l’éviction brutale de Rodolphe Belmer (lire l’épisode 2, « Belmer, la cible qu’on voit danser »), le numéro deux du groupe par Vincent Bolloré. Pendant l’été, c’est une autre tête que Bolloré a fait rouler, celle d’Ara Aprikian, le chef du pôle gratuit (on vous raconte ça dans un prochain épisode, c’est croustillant). Ce 3 septembre est une journée cruciale où Vincent Bolloré devient, en plus d’y faire la loi au quotidien, grand patron de Canal+ dont il est nommé président du conseil de surveillance à la place de Bertrand Meheut. Une journée d’anthologie où les cadres vont apprendre qu’ils sont virés en direct-live, comme le disaient Les Nuls de ce vieux Canal, dont Bolloré veut faire table rase. La prise de pouvoir se passe en plusieurs étapes : le comité d’entreprise que nous vous racontons ici, un conseil de surveillance du groupe Canal+ en suivant et, pour clore la tragédie en trois actes, un de ces fameux « comités de management » qui rassemble une centaine des cols blancs de la maison.
Il est 8h30, et l’ordre du jour est ainsi libellé : Information sur la gouvernance du groupe Canal+
, la séance du comité d’entreprise est ouverte sous la présidence de Bertrand Meheut, qui l’est encore, président. Plus pour longtemps puisque Bolloré le remplacera lors du conseil de surveillance qui suivra.
Je compte y aller à la fois doucement en étant gentil avec tout le monde et en apportant des fleurs, et énergiquement.
Bolloré attaque par Meheut dont il indique qu’il va passer la main
, et l’invite à s’exprimer. Ce qu’il fait avec une certaine émotion
et dit le genre de choses qu’on dit dans ces cas-là, parle de grande sérénité
, qu’il est fier du chemin parcouru
. Il a eu le temps de digérer, Meheut, depuis qu’il s’est fait estourbir en direct, le 6 juillet par Bolloré (lire l’épisode 3, « Le journal du hard »). Le lendemain, comme il le précise un peu plus tard aux élus, Bolloré s’installera dans le bureau de Meheut, pardon