«Ça y est, c’est décidé ! Pendant les vacances de décembre, je vais aller voir ma famille ! » Au téléphone, le ton d’Houmam est ferme. Il est environ 19 heures ce 14 novembre quand le deuxième fils de la famille Jaamour m’appelle. Il a quitté la Syrie le 18 novembre 2015 et est arrivé un mois après en Allemagne. Ses parents, Souhayr et Mahmoud, et ses quatre frères, Tammam, Wissam, Eslam et Aram, sont, eux, partis en février 2016 et, après plus de six mois bloqués en Grèce, ont été relocalisés le 20 septembre dernier à Saint-Nazaire. Depuis, bien que tous soient sur le territoire européen, ils ne se sont pas vus. Houmam a déposé une demande d’asile en Allemagne ; les autres membres de la famille, en France. Mais aucun n’a le droit de quitter le pays qui les accueille tant qu’ils n’ont pas obtenu l’asile. Houmam commence à s’impatienter. Il me téléphone souvent. Pour prendre des nouvelles, en donner ; pour faire part de ses espoirs, de ses craintes. Depuis quelques semaines, le sentiment d’injustice domine. Il a 19 ans, sa famille lui manque. Parfois, au bout du fil, les silences s’éternisent. « Pourquoi je n’ai pas le droit de me déplacer hors d’Allemagne ? » Le parcours pour être reconnu comme réfugié lui paraît interminable. Et semé de multiples embûches.
Quand il arrive au pays de « Mama Merkel », comme les migrants ont surnommé la chancelière, Houmam, mineur, est d’abord placé dans un foyer de jeunes migrants, à Heidelberg (lire l’épisode 8 de L’exil des Jaamour), mais c’est transitoire : en Allemagne, chaque commune a l’obligation d’accueillir des réfugiés – familles, mineurs isolés ou célibataires. Moins d’un mois après son arrivée, Houmam est donc affecté à Korntal-Münchingen, petite ville près de Stuttgart, à 150 kilomètres de Strasbourg. Il s’y plaît, y trouve le goût des études. Les déconvenues viennent ensuite. Il rêve de devenir médecin, voire chirurgien, mais on l’oriente vers un apprentissage en coiffure. Devenu majeur, il doit quitter l’appartement où il habitait avec d’autres jeunes réfugiés pour un studio qu’il loue seul. Dans le même temps, il poursuit ses démarches de demande d’asile, qui traînent en longueur. Il s’est ainsi rendu en août à un entretien à Karlsruhe, près de la frontière française, mais personne ne lui avait expliqué qu’il devait, au préalable, avoir obtenu un certificat médical. Encore un retard…
Au début du mois d’octobre, un espoir.