Par l’odeur chaude alléchée, on a mis les bouchées doubles. Hâté le pas. Franchi la porte en vitesse. Humé à pleins poumons. L’odeur s’est infiltrée comme un nuage dans le nez. La muqueuse olfactive a alors interrogé le cerveau : « Mais c’est quoi ce qui sent si bon ? » Réponse de l’organe : « Aucun doute, c’est le pain. » Le scélérat n’en est pas resté là. Après avoir identifié les effluves entremêlées de grillé, de caramélisé, de fruité, il s’est mis à crier : « J’ai faim. » Comment lui résister ? Comment ne pas succomber à toutes ces belles miches qui sortent du four ?
Il est 9 heures quand on s’attaque à la boulangerie, pardon l’Atelier P1 dans le XVIIIe arrondissement de Paris, fondée il y a trois ans par un fondu du bien casser la croûte, Julien Cantenot, 36 ans. Issu d’une lignée d’hommes boulangers et meuniers et d’une grand-mère « très bio, qui a dû être une des premières clientes de La Vie Claire », il s’est à son tour lancé dans le milieu avec l’idée de (re)faire du pain à l’ancienne. Mais en version XXIe siècle. Chez P1, décor en bois brut, béton et briques, on panifie au vu et su des clients, de la rue et des gosses qui collent leur museau à la vitre pour ne pas rater une miette du fascinant spectacle du « labo » : là où tout se prépare. Ici, ça fermente, ça bassine, ça bulle, ça boule, ça enfourne. Et les boulangers sont aussi… des boulangères.
Les premiers pains ont commencé à cuire vers 6 heures. Depuis, comme dans le ballet des petits pains de Charlie Chaplin, Élena et Émilie, la trentaine, exécutent leur partition. Faire la pâte (farine, levain fait maison, eau filtrée et sel), la pétrir avec un robot doté de bras plongeants dignes de Popeye. « Pétrir à la main ? Certains en font leur argument, explique Cantenot. Mais ça n’a aucun intérêt gustatif à part se casser le dos. En revanche, il faut pétrir lentement. Ne pas chauffer la pâte. » Puis la laisser reposer trois heures au bas mot. La surveiller. Faire des rabats, replier, pour qu’elle se tienne. Puis la diviser en pâtons bientôt préfaçonnés qui finissent alignés sur des grilles recouvertes de toile de lin. Élena caresse sa pâte :