Sur le compte Instagram, les carrés couleur pastel défilent, chacun assorti d’une citation, rose, bleu ou vert, pastel là aussi. Point de poésie ni de délicatesse pourtant, mais des phrases crachées à voix haute dans les plus grandes rédactions françaises. « Si t’as pu décrocher un contrat, c’est grâce à tes gros seins », à France 2. « Je vais tout faire pour que tu aies un CDI et à ce moment-là, tu me laisseras te rouler une pelle et faire ce que j’ai envie de faire », chez Europe 1. « Vous allez être contents les gars, je vais vous ramener de la chair fraîche », au Figaro. Ambiance.
Avec ses citations choc, le collectif Balance Ta Rédac, derrière le compte du même nom, frappe fort. Et tape sur le sexisme, le harcèlement sexuel, mais aussi le racisme, la grossophobie et le mépris de classe d’une profession « qui n’a pas du tout envie de se regarder en face », selon Sacha et Chloé, deux de ses membres. Créé en novembre 2020, le collectif s’est rassemblé autour d’une « rage » partagée. « Certes, le monde du travail est violent, mais la presse a un devoir d’exemplarité. Les médias ne s’appliquent pas les principes dont ils parlent à longueur de journée », assène Sacha. Avant de citer l’exemple de « gens qui vont écrire des articles sur le harcèlement et le racisme, puis imiter un accent qu’ils s’imaginent africain ».
La demi-douzaine de membres partage à la fois des histoires vécues et des témoignages reçus. Pour ceux-là, « on demande des éléments de contexte : la personne mise en cause est-elle toujours en poste, son nom, y a-t-il au moins trois personnes qui peuvent attester de ce qu’on nous raconte… On ne publie pas tout ce qu’on reçoit, on effectue aussi un travail de vérification », affirme Chloé. En décembre dernier, un article d’Arrêt sur Images pointait une erreur sur un témoignage concernant le Huffington Post, supprimé depuis. « C’était une erreur, reconnaît alors le collectif. Nous avons également reçu un témoignage sur une rédaction, relatant des propos à teneur antisémite. L’adresse mail est fausse, et nous n’avons trouvé aucune info sur la personne qui nous l’a adressé. Nous ne l’avons pas publié. »
Pour les femmes et les personnes discriminées, il n’y avait pas d’autre espace que les réseaux sociaux pour parler.
La réaction du petit milieu de la presse, oscillant entre silence radio et mise en accusation face à cet engagement militant, n’en finit pourtant pas de surprendre les membres de Balance Ta Rédac (lire l’épisode 11, « Viré pour harcèlement à Europe 1, Kamel A. a trouvé asile à TF1 »).