De Nikko (Japon)
Face à la rivière Daiya, au bord d’une petite route au béton encore frais, un homme s’est assis sous un prunier. Dans cette petite aire de repos aménagée par les habitants du quartier de Takumicho à l’aide de quelques bouts de bois, les chaises ont fusionné avec le sol, comme si elles avaient toujours fait partie du paysage. L’homme se relève et continue sa balade dans les rues désertes du quartier, comme s’il cherchait quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Il s’arrête à proximité d’un poteau électrique sur lequel est collé l’avis de recherche de Tiphaine Véron (lire l’épisode 1, « 29 juillet 2018, Tiphaine Véron s’efface ». Du moins, ce qu’il en reste. L’affiche en lambeaux ne permet plus de voir le visage de la jeune femme Alors, de son énorme sac à dos, l’homme sort de quoi la réparer. C’est le rituel de Kazunari Watanabe, gardien de la mémoire de Tiphaine à Nikko. Il y a deux ans, ce retraité de 64 ans s’est mis en tête de retrouver la jeune femme, après avoir entendu parler de sa disparition sur les réseaux sociaux. Au moment où je le rencontre, c’est la 48e fois qu’il se rend à Nikko. Entre mars et novembre, le retraité originaire de Tokyo multiplie les séjours dans la petite ville touristique
Devenu au fil du temps l’un des rares soutiens actifs de la famille au Japon, ses intentions ont d’abord interrogé les Véron. « Au début, c’est clair qu’on s’est posé des questions sur lui, on ne le connaissait pas… », souligne Sibylle, la sœur de Tiphaine. L’ancien ingénieur informaticien, divorcé et père de trois enfants, m’explique simplement avoir trouvé le moyen de se rendre utile. Dans un grand album qu’il ouvre devant moi, des dizaines de photographies sont soigneusement classées par dates, lieux et horaires. L’homme a même pris le soin de rédiger en anglais un petit carnet de bord.