L’heure a sonné pour Omar L., l’un des dealers que traque depuis des mois le groupe Surdoses de la brigade des stups. C’est aujourd’hui que l’unité a prévu de le serrer. Les travailleurs de l’ombre, policiers et trafiquants, vont entrer ensemble dans la lumière. Le dispositif mis en place à Sevran, en Seine-Saint-Denis, ressemble à celui déployé cinq mois plus tôt, quand le jeune gérant du « cocaïne call-center » n’était pas encore formellement identifié (lire l’épisode 1, « Le dentiste a fait une overdose, Omar l’a tué »). La Peugeot aux vitres teintées se place devant le domicile de sa mère, avenue Robert Ballanger ; la DS3 de l’autre côté de l’immeuble, rue Gabriel Péri. Quant au sous-marin, le véhicule utilitaire maquillé, il se positionne dans une commune limitrophe, à Aulnay-sous-Bois, où la capitaine Floriane B., dite « Chat Noir », et le brigadier Thierry M. attendent « La Faucheuse », un livreur de la plateforme soupçonné de stocker de la cocaïne chez lui.
Le trafiquant Gencive, le supérieur d’Omar, ne fait pas partie des objectifs. « On n’a pas eu d’embellie sur lui, m’explique le commandant Patrick N., le chef d’unité. Il y a des infos sérieuses, mais dans une procédure, ça ne suffit pas pour l’accrocher. Il est trop prudent. On va lui enlever sa centrale d’achat, c’est déjà ça. Pour le péter en bonne et due forme, il aurait fallu le surveiller vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On ne peut pas se le permettre en ce moment… » Le groupe a en effet connu un été chargé : le brigadier Michaël C., dit « Le Chimiste », a hérité d’un homme d’affaires retrouvé dans un grand hôtel parisien ; la gardienne de la paix Émilie T., que je surnomme « Front Kick », d’un maçon du XVIIIe arrondissement et d’un Bengali de 60 ans qui vivait chez sa mère ; le major Yvan C., dit « Le Doyen », s’est vu attribuer un suicide à la cocaïne, celui du fils d’une célèbre chanteuse française. « Pour accrocher un gars sérieux comme Gencive, il nous faudrait des journées cinq fois plus longues », estime Patrick.
Renversé sur le siège conducteur, le commandant guette l’entrée de l’immeuble. Le brigadier Fabrice L., à la place du mort, les pieds sur le tableau de bord, surveille l’écran de son smartphone. Il est revenu hier de La Réunion, bronzé, détendu, prêt à envoyer la moitié du 93 en garde à vue. Toujours coiffé d’une brosse à la symétrie irréprochable, Fabrice a longtemps officié comme îlotier dans le secteur du métro Stalingrad, dans le nord-est de Paris.