La scène se déroule en avril dernier, au début de la première audition menée par la commission d’enquête parlementaire sur les abattoirs. Dans un grand silence, le député de Lozère Pierre Morel-A-L’Huissier (LR) lève les yeux de sa feuille et s’adresse sur un ton peu amical à deux dirigeants de L214 : Qui êtes-vous exactement ? Vous demandez la transparence, on la souhaite également. J’ai bien compris que vous avez des objectifs de militantisme végétarien, mais au-delà de cela, qui êtes-vous et qui vous finance ?
Le moment est cocasse : dans la grande enquête qui est lancée sur les abattoirs, les premiers à devoir se justifier sont ceux qui ont donné l’alerte.
L’association au nom étrange est certes fraîchement accueillie mais elle vient de remporter une belle bataille : elle militait depuis plusieurs années pour que les parlementaires enquêtent sur les abattoirs. Pour récolter leurs images, ils ont infiltré les chaînes d’abattage. Ils ont aussi demandé à des taupes de cacher leurs caméras, d’en changer discrètement leurs batteries ou d’en nettoyer les écrans couverts de sang. Une fois diffusées sur les réseaux sociaux et sur YouTube, leurs vidéos sont passées sur la plupart des chaînes de télé. Le nom de la petite association était peu cité à l’antenne. Pas grave, ça n’empêche pas L214 d’être désormais suivie par plus d’un demi-million de personnes sur Facebook, beaucoup plus que Greenpeace ou la Fondation Nicolas Hulot, par exemple. Énorme pour une petite structure (qui compte tout de même 17 salariés) créée il y a moins de dix ans, qui n’a pas de véritables locaux et dont l’objectif principal – mais pas toujours clairement affiché – est d’en finir avec toutes les productions animales. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle agace certains députés et est peu mentionnée à la télé : elle ne dévoile pas les horreurs des abattoirs pour améliorer leur fonctionnement mais pour les faire fermer.
Qui sont-ils, alors, ces militants qui énervent et font tant de bruit ? Au départ était un couple, Brigitte Gothière et Sébastien Arsac. Ils aiment raconter comment ils ont cessé de manger de la viande alors qu’ils étaient étudiants, en 1993, après la lecture d’une BD, Le Lama blanc (Les Humanoïdes associés) d’Alejandro Jodorowsky. Ils quittent ensuite leur petit village de Haute-Loire pour rejoindre Lyon, où Sébastien devient professeur des écoles et où Brigitte enseigne la physique appliquée. Suivent une dizaine d’années à lire, à contribuer aux