Il est rare qu’une semaine passe sans que la presse économique ne se fasse l’écho, en des termes louangeurs, de levées de fonds de start-up. Un jour, c’est une jeune pousse de la téléphonie qui, grâce à un investissement de 9 millions d’euros, va enfin lancer son nouveau produit et « confirmer [son] positionnement de leader ». Une semaine plus tard, c’est une start-up de l’édition qui se dit impatiente de « concrétiser ses ambitions américaines » grâce à un « tour de table » de 2 millions d’euros. Avec la même somme, une troisième, dans l’hôtellerie, promet de « recruter de nouveaux talents ». Tel le nouveau-né assoiffé de lait pour stimuler sa croissance, les start-up s’abreuvent au cash des investisseurs, qu’il s’agisse de « business angels » ou de fonds professionnels, comme celui de Jean-David Chamboredon (lire l’épisode 5, « L’amour du capital-risque »). Pour espérer grandir vite et aller loin, en attendant de devenir un jour rentables, elles se développent et embauchent à crédit.
La dépendance à la bonne volonté des capital-risqueurs n’est pas perçue comme un signe de vulnérabilité, mais de grandes ambitions. Les levées de fonds servent même de baromètre de la santé du secteur, par ailleurs difficile à mesurer. « Le monde des start-up est une économie d’esbroufe, où l’on dit que tout va bien, mais sans chiffres pour le vérifier, car il se crée des boîtes tous les jours et qu’elles publient rarement leurs résultats, explique Olivier Ezratty, l’un des principaux blogueurs du secteur. La première mesure de réussite, c’est donc de regarder lesquelles ont levé des fonds. C’est le premier indicateur qu’une société intéresse le marché, à un stade où elle a encore peu de clients. Comme les levées sont souvent publiques, ça donne une petite idée. »
Les start-uppeurs sont moins pressés de communiquer quand il s’agit d’en dévoiler les coulisses. À l’heure de sabrer le champagne, personne n’a envie de se remémorer cette épreuve incertaine, chronophage, voire éreintante, dont ils ont découvert les codes et les écueils sur le tas. « Soit les gens ne racontent rien, soit ils ont tendance à zapper quand ça s’est mal passé », estime Flavien Guillocheau, 24 ans, le fondateur de PandaScore, l’une des start-up suivies par Les Jours (lire l’épisode 4, « PandaScore, espèce en voie d’expansion »), qui transforme les compétitions de jeux vidéo en données. Lui a pris le contrepied en racontant par le menu les quatre mois du processus dans un billet sur Medium.