Il est 19 heures ce mercredi d’octobre et l’immense campus d’HEC, à Jouy-en-Josas (Yvelines), se vide à mesure que la nuit tombe. Dans un bâtiment récent en bordure d’une pelouse, une salle reste allumée et se remplit d’une trentaine de visiteurs. Albin Boiteux, 20 ans, étudiant en première année dans la prestigieuse école de commerce, dévale les marches de l’amphi. Grand, blond, un peu impressionné, il se tourne vers les gradins : « Bon, bah, bonjour à tous. Je suis là pour vous présenter Musique pour tous… » Cette association, dont il fait partie, enseigne le piano, la guitare et la batterie à des enfants de milieux défavorisés, trop intimidés pour frapper à la porte des conservatoires. Ses amis et lui espèrent la faire grossir, en finançant son développement par « une entreprise sociale qui vendra du team building ».
Philippe Coste observe la scène depuis un coin de la salle, bras croisés, sourcils froncés. L’homme au pull camionneur et à la tignasse blanche se présente comme « coach à pitch ». Avec trois boîtes au compteur, une quatrième en gestation, il accompagne des jeunes pousses depuis plusieurs années. Le « pitch », le b.a.-ba de l’entrepreneuriat, c’est sa spécialité. Ce soir, il est invité par Start’HEC – prononcer « star-tech » –, l’asso des étudiants d’HEC qui se rêvent citoyens de la « start-up nation ». Philippe Coste a inauguré la séance par un appel à la cantonade. « Tout le monde ici a un projet ? Peut-être déjà un business ? » La plupart des participants – 23 garçons, 6 filles – ont fait oui de la tête. Les hochements négatifs sont restés timides. « À quoi sert un pitch ? », a aussi lancé le coach. Un élève a tenté : « À se vendre ? » Un autre : « À avoir de l’argent ? » Raté. « À susciter les questions » de ses interlocuteurs, dont d’éventuels investisseurs, a corrigé Philippe Coste, qui compare l’exercice à « l’écriture de la quatrième de couverture d’un bouquin ».
Albin Boiteux est le premier à soumettre son idée. « Quelles sont vos réactions ? », demande Philippe Coste à l’assistance, après la présentation. Un garçon en sweat HEC l’a trouvée « inspirante ». « Ça démarre bien, mais ensuite, je suis perdu », tranche Coste, qui ne sait toujours pas à qui le pitch d’Albin s’adresse ou ce qu’il attend de l’audience. L’étudiant recommence à zéro, mais le coach le coupe : « C’est là que ça dévie. » Albin se reprend une fois, puis deux, puis trois… Philippe Coste l’interrompt encore pour relever des points faibles.