«La science ne peut pas tout », souffle Alexandra Lidove quand Les Jours viennent l’interroger sur une disparition mystérieuse. Celle de Valérie Avril, retrouvée morte en 2005, repliée dans une valise. Une affaire « dans laquelle la famille n’a pas eu justice », désespère l’adjudante. Le dossier est clos. Il renferme pourtant une information d’ordinaire cruciale pour les enquêteurs : un rapport permettant de dater la mort de la victime. Une expertise établie par son département Faune et flore forensiques (le FFF), rattaché à la division criminalistique identification humaine de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN).
Alexandra Lidove, petite quarantaine, boit son café dans un mug décoré d’insectes. Invite à prendre place dans une salle où des diptères et des coléoptères épinglés mettent un peu de couleur sur les murs blancs, petites taches d’un vert métallique, gris, bleu poussiéreux… Elle montre des armoires ventilées dans lesquelles dorment d’impressionnantes collections de petits invertébrés desséchés, dont les fameuses mouches des cercueils, au thorax bossu. C’est une spécialiste de l’entomologie légale. Sa mission : contribuer à établir le délai post mortem, soit le temps qui s’est écoulé entre le décès et la découverte du corps. Et ce grâce à des indices pour le moins naturels : des insectes nécrophages, surtout des mouches, qui répondent aux noms savants de Lucilia sericata (la lucilie soyeuse, une mouche verte), Sarcophaga carnaria (la mouche à damier ou mouche grise), Calliphora vomitoria (la mouche bleue)… De sacrées mouchardes, objets de toute une science devenue vraiment opérationnelle en 1992.
À peine le temps de repérer les lieux où trône une sculpture de mouche qui vous fait les gros yeux qu’Alexandra Lidove lance un diaporama d’ordinaire réservé aux techniciens en identification criminelle (les TIC) en formation. Le héros de la séquence n’est autre qu’un cochon de 25 kilos décédé de mort naturelle. Jour 0 : des mouches ont commencé à voler. Jour 2 après le décès : zoom sur les larves pondues par les mouches. Jours 7 à 9 : le cochon est recouvert de ces larves blanches affamées, ce sont des nécrophages. Puis c’est l’effondrement. Les gaz font exploser le corps. Le cochon devient une soupe. Au bout de treize jours ne restent plus que des ossements et des lambeaux de peau tannée devenue noire.