Il s’avère vite compliqué de commencer un entretien avec un agent de la pénitentiaire sur une note positive. À la question liminaire « Qu’est-ce qui va bien dans votre métier ? », on récolte souvent un silence ou une réponse sans équivoque : « Rien ». Quelques-uns, assez pour le noter, avancent comme principal avantage le bénéfice d’un départ à la retraite cinq ans avant l’âge légal. « Dans sept ans, je n’aurai plus à répondre de ce fonctionnement. C’est ce qui me motive, assène le surveillant d’une prison du Sud de la France qui prendra même la quille de façon anticipée, à 52 ans au lieu de 57. Je partirai avec moins, mais de toute façon je ne me retrouve plus dans ce métier. Mon premier rôle de réinsertion n’existe plus. On met n’importe qui en prison, il n’y a plus de but. »
À l’inverse, lorsqu’on demande ce qui ne va pas, les exemples pleuvent. « Leurs conditions de détention sont nos conditions de travail, alors imaginez », grince un agent d’une maison d’arrêt qui assure devoir éviter les rats pour rejoindre la prison et les cafards une fois à l’intérieur. Un autre, en poste dans l’Ouest du pays, nous raconte qu’une remontée d’eau capricieuse répand « régulièrement de la pisse et de la merde » dans la salle où se retrouvent les surveillants. Un troisième se plaint de miradors « infestés de nuisibles ». L’immense majorité des fonctionnaires contactés dénoncent « les agressions », « les insultes », « les crachats » de la part de détenus « de plus en plus déconnectés des réalités, désocialisés et ne respectant plus rien » (lire l’épisode 1, « En prison, les violences en réunion »). D’après le ministère de la Justice, ils sont près de 30 500 personnels de surveillance dans la pénitentiaire. Au terme de la loi, « ils veillent au respect de l’intégrité physique des personnes privées de liberté et participent à l’individualisation de leur peine ainsi qu’à leur réinsertion ». On l’aura compris, beaucoup ne s’y retrouvent plus.
Comme toujours dans les prisons françaises, la surpopulation carcérale gangrène tout. « En maison d’arrêt, on est seul pour gérer à 120 à 170 détenus, décrit Wilfried Fonck, secrétaire national du syndicat Ufap-Unsa Justice.