Vous le savez depuis le début de cette série : en France, on ne risque vraiment pas grand-chose quand on pollue. À l’inverse, les victimes de ces pollutions sont très souvent livrées à elles-mêmes (lire l’épisode 1, « Pollutions locales, impunité totale »). L’un des cas les plus révélateurs à ce sujet nous a été signalé par mail il y a un an maintenant. Une victime anonyme nous décrivait de façon détaillée et chronologique la dernière année de sa vie. Une année entière d’exposition à des niveaux de pollution démesurés, une véritable violence environnementale. Les responsables ? Ses propres voisins d’immeuble, qui ont ouvert une petite carrosserie en août 2020 dans un local jusque-là utilisé pour d’autres activités commerciales. Du jour au lendemain, le logement de la famille se met alors à sentir les solvants et autres joyeusetés chimiques automobiles.
La victime
« Septembre 2020 : Nous avons acheté un capteur qui mesure le taux de particules fines et de COV [composés organiques volatils émis après l’application d’un matériau, ndlr] dans notre immeuble. Nous avons atteint le maximum mesurable par cette machine. »
« 24/11/20 : Consultation de pédiatrie pour notre fille vu ses crises d’asthme répétées depuis septembre. Mise en place d’un traitement de fond en plus de son traitement de crise. »
« 18/12/20 : Intervention des pompiers suite à un appel de notre part. Air irrespirable chez nous, taux de particules fines PM2.5 à 727 microgrammes par mètre cube d’air, soit trente fois le taux d’exposition critique. »
« 01/02/2021 : Radio des poumons [de leur fille, ndlr]. La conclusion de sa pédiatre est que son asthme est désormais “hors de contrôle” malgré le traitement de fond, y compris hors période de crise. »
Au téléphone, la victime nous décrit les nombreuses démarches qu’elle a effectuées : « On a commencé par solliciter le carrossier, leur agence immobilière, le propriétaire du local, la mairie. Ensuite, on a cherché un huissier pour faire un constat, on a appris qu’ils ne sont pas habilités à le faire. Pour la pollution, il faut demander à un bureau d’études, qui facture 3 000 euros. On a demandé à notre assurance habitation de nous aider, mais ils ne couvrent que le matériel, et l’air est immatériel. On a commencé à réaliser qu’on ne rentrait pas dans les cases. » Ses démarches suivantes, notamment auprès des autorités, sont si nombreuses et infructueuses que la victime de pollutions dénonce une « violence administrative » : « Ça prend des mois de comprendre comment tout ça fonctionne, d’identifier ce que sont la DDPP, la Dreal, l’ARS, la Carsat, de faire des signalements à tout le monde. C’est très long d’envoyer des recommandés, d’attendre une réponse qui ne vient pas pendant des mois et de voir à la fin que tout le monde se renvoie la balle. »