Le verrou de Bercy ne fêtera pas ses cent ans. Mercredi, les députés ont partiellement mis fin à une anomalie en vigueur depuis 1920, source de tous les soupçons politiques : le monopole du fisc sur les poursuites judiciaires en matière de fraude fiscale. Le vote quasi-unanime de l’Assemblée nationale – 112 voix pour, cinq abstentions – ferait presque oublier les années de débats enflammés sur le sujet. Pour toutes les fraudes supérieures à 100 000 euros, l’administration fiscale devra désormais transmettre le dossier au parquet. Celui-ci décidera s’il est opportun ou pas de déclencher des poursuites judiciaires contre le contribuable concerné, en plus du redressement fiscal fixé par l’administration. La justice doit ainsi acquérir une certaine liberté pour les fraudes les plus importantes. La Chancellerie estime que le nombre de dossiers judiciarisés pourrait passer de 1 000 cas par an à 2 000 ou 2 500.
Comme nous l’avons déjà expliqué dans cette série, le traitement de la fraude fiscale en France ressemble à un entonnoir. Chaque année, l’administration mène environ 50 000 contrôles fiscaux, parmi lesquels 15 000 dossiers donnent lieu à des pénalités financières censées sanctionner la mauvaise foi du contribuable. Environ 4 000 de ces fraudes, d’un montant supérieur à 100 000 euros, font l’objet d’une attention particulière. Jusqu’ici, Bercy se livrait à un écrémage parmi ces dossiers, avec ses propres critères, et déposait un petit millier de plaintes par an, ouvrant ainsi la voie à des poursuites judiciaires. Le projet de loi porté par Gérald Darmanin, qui fera l’objet d’un vote solennel le 26 septembre, supprime cette phase de tri. La réforme est un progrès, même si elle aurait pu être plus ambitieuse. Prenons l’exemple de Thomas Thévenoud. L’ancien secrétaire d’État s’est vu reprocher d’avoir éludé 70 500 euros d’impôts, auxquels le fisc a ajouté 20 500 euros de pénalités. Ce montant reste sous le seuil des 100 000 euros faisant désormais l’objet d’une transmission automatique à la justice. Dans son cas, pour que le parquet ait connaissance de la fraude et puisse engager des poursuites, une plainte de Bercy serait tout de même nécessaire.
L’assouplissement du verrou de Bercy, au départ inspiré par l’affaire Cahuzac, doit beaucoup à une mission parlementaire menée par les députés Émilie Cariou (La République en marche) et Éric Diard (Les Républicains) en janvier dernier. À l’issue de leurs travaux, dont