À Paris, le canal Saint-Martin s’étire sur quatre kilomètres et demi depuis la place Stalingrad, au nord-est de la rive droite, jusqu’à la place de la Bastille, au sud-est. Il est régulé par une série d’écluses qui permettent aux bateaux de descendre, depuis les canaux de l’Ourcq et de Saint-Denis jusqu’à la Seine. Ces opérations d’ouvertures de vannes, en plein cœur de la capitale, constituent une attraction sans cesse renouvelée pour les badauds. La majestueuse voûte de pierre qui le couvre sur ses deux derniers kilomètres, entre la rue du faubourg du Temple et le bassin de l’Arsenal, derrière la place de la Bastille, date de 1860 et des grands travaux du baron Haussmann. On ne pénètre pas sans autorisation sur le chemin de halage qui longe ce vaste boyau souterrain. Il ne comporte pas d’issue de secours, mais de gros oculi percés au plafond qui inondent l’eau translucide d’une lumière particulièrement cinématographique. Dans Mission impossible 6, Tom Cruise passe juste là, par une porte qui n’existe pas, pour regagner le métro.
Ce jour-là, pas de stars, mais un cormoran qui tente la traversée de bout en bout, et Alexandre Florentin, élu au Conseil de Paris, qui s’est fait ouvrir l’accès et réfléchit à l’usage que l’on pourrait faire de ces lieux dans les canicules du futur. En effet, il y fait particulièrement frisquet. « En dehors des anciennes carrières et des catacombes, il n’y a pas tant de lieux naturellement frais dans Paris, et ici, il y a de la place ! On pourrait mettre des barges pour que les gens récupèrent un peu. Ou alors qu’ils s’y baignent… », envisage le président de la mission d’information et d’évaluation « Paris à 50°C » (lire l’épisode 1, « Paris brûle-t-il ? Oui ! »), laissant pantois le gardien des clés qui n’en croit, en cet instant, pas ses oreilles. Alexandre Florentin parle pourtant sérieusement. L’outil municipal dont il a eu la charge, avec la rapporteuse Maud Lelièvre (Modem), est destiné à permettre à un groupe d’élus de tous bords d’évaluer les politiques déployées par la collectivité. Il fonctionne selon le principe d’une commission parlementaire : des experts, des élus, des membres de la société civile compétents sont auditionnés sur un thème pour produire un socle de connaissances, se forger une opinion et formuler des recommandations. En juin 2022, le groupe écologiste a proposé de l’appliquer à l’adaptation de la capitale aux super vagues de chaleur.
L’idée vient de cet ingénieur de 36 ans, spécialiste du climat, codirecteur de la branche formation du cabinet de conseil Carbone 4.