À deux battements d’ailes de chez Michèle et Claude Didier, retraités en nage (lire l’épisode 1, « Paris brûle-t-il ? Oui ! »), loge Betty de Wancker, au 19e étage de la tour Londres, sur la dalle parisienne des Olympiades. Un été à 50°C, que l’Europe du Sud devrait frôler ces prochains jours, voilà un scénario auquel elle préfère ne pas penser. « À mon âge, je ne tiendrai pas le coup longtemps, même toute la journée dans la baignoire », estime-t-elle. Le studio de 35 mètres carrés qu’habite cette femme de 73 ans dans ce quartier populaire du XIIIe arrondissement appartient à un bailleur social. Aussi haut perché soit-il, les courants d’air y sont impossibles, cet été comme les précédents : il n’y a qu’une pièce, exposée aux rayons du soleil pendant plus de dix heures par jour à la belle saison. Un soir de décembre, l’assistante de direction à la retraite est venue à l’école Jeanne d’Arc pour participer à une concertation sur la révision du « plan climat » de la ville. Adopté pour la première fois en 2007, révisé en 2012, ce plan de lutte et d’adaptation au changement climatique doit être réécrit et fixer des objectifs pour la période 2024-2030. Ce soir-là, la réunion publique porte sur le thème de l’adaptation aux vagues de chaleur. On ne sait jamais, il pourrait y avoir quelques idées à prendre pour faire baisser, ne serait-ce qu’un peu, le mercure chez elle. Et quelques remarques à faire passer aux édiles.
Betty figure, par prudence, sur le fichier municipal Reflex, comme près de 10 000 Parisiens. Ce fichier canicule est obligatoire dans toutes les communes depuis 2004 mais on s’y inscrit sur la base du volontariat. Il permet aux agents municipaux d’appeler les personnes fragiles pour leur porter secours si besoin. Mais la septuagénaire, harcelée par le démarchage téléphonique, ne décroche pas quand elle ne connaît pas le numéro… Ce mince filet de sécurité est pourtant un héritage précieux de la catastrophe sanitaire de 2003 quand, le 1er août, une vague de chaleur d’une intensité et d’une longueur inédites pour l’époque s’installe sur l’Hexagone.
« C’est le premier épisode caniculaire majeur, ça arrive en plein été, personne n’a rien vu venir. Nous l’avons pris de plein fouet », se rappelle Christophe Leroy, aujourd’hui chef du service gestion des crises sanitaires à l’AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris). Lorsqu’il prend sa garde aux urgences de l’hôpital de Colombes, dans les Hauts-de-Seine, ce week-end-là, « c’est l’avalanche ».